Comment Hegel classe-t-il les arts ? Que sont les trois périodes historiques de l'art ? et que sont les cinq arts particuliers chez Hegel ? Qu'est-ce qu'un art ? Suite de ma présentation de l'hégélianisme (et de la philosophie hégélienne de l'art). II. B. Je vous conseille de lire II A. avant de lire ce post-là si vous ne l'avez pas déjà fait. <p style="text-align:center;"><strong>B. Les trois périodes artistiques</strong></p><p style="text-align:justify;">Après donc avoir vu ce qu’est le beau et l’esthétique chez Hegel, ce qu’est le beau de l’art et en quoi il est supérieur au beau naturel, il ne nous reste plus qu’à voir comment le beau de l’art se détermine dans l’art, c’est-à-dire comment l’idéal se développe dans les formes particulières que revêt le beau dans l’art (titre de la deuxième partie), puis comment l’idéal s’incarne dans les formes particulières des arts, lesquels arts forment un système (troisième partie).</p><p style="text-align:justify;">Je vais d’abord vous présenter la première classification de l’art ; les trois périodes historiques de l’art, le développement historique de l’art, de l’idéal, du Beau artistique. Je dis première classification, à la suite de Timmermans, parce que j’estime que ce premier développement, développement historique, est une classification, c’est une façon de classer l’art ; un classement en fonction de l’histoire. Hegel classe l'art en fonction du contenu ; selon si le contenu est, ou non, conscient, formellement parfait, ou subjectif.</p><p style="text-align:justify;">Ajoutons ceci, il est vrai que les trois formes d’art (art symbolique, classique et romantique) peuvent se rapprocher des trois périodes historiques de l’histoire mondiale (cf. mon post sur la philosophie de l’histoire). Mais, ces trois moments de l’art ne sont pas tout à fait l’équivalent des trois règnes historiques. D’abord, parce que l’art symbolique ne se limite pas à l’ère orientale, on peut, d’après Hegel, retrouver des arts symboliques après ; l’art classique ne se limite pas non plus aux ères gréco-romaines ; et l’art romantique ne se limite pas à l’ère germanique. Dès lors, ne soyons pas trop prompts à identifier les deux.</p><p style="text-align:justify;">D’autre part, vu que les cinq arts d’Hegel (le système) sont connus, je tiens à vous prévenir immédiatement : évitez quand même de réduire l’architecture et la sculpture à l’art symbolique (quoique ce soient les deux formes d’art principales de ce moment), ni la sculpture et la peinture à l’art classique, ni la peinture, la musique et la poésie à l’art romantique. Les cinq arts se retrouvent malgré tout dans les trois périodes historiques de l’art, même s’il est vrai que certains arts dominent plus certaines périodes que d’autres.</p><p style="text-align:justify;">Le beau dans l’art revêt différentes formes, ces formes sont ce par quoi passe l’idéal du beau en général. L’idéal du beau se développe dans les trois formes historiques suivantes : l’art symbolique, l’art classique et l’art romantique. L’idéal de l’art, c’est la réalisation de l’idée du beau, laquelle réalisation passe par la détermination du beau comme œuvre d’art, c’est-à-dire que le beau de l’art se manifeste sous la diversité des œuvres d’art. Or, dire cela ne nous apprend rien puisqu’on parle, in fine, que de l’œuvre d’art en général ; et comme il y a une diversité d’œuvres, il faut se demander quelles sont les formes particulières de l’art, lesquelles actualisent et déploient le beau. C’est à travers les œuvres que l’idée [du beau] vient à la représentation, c’est-à-dire qu’elle devient sensible.</p><p style="text-align:justify;">Les trois périodes artistiques, art symbolique, classique et romantique, sont donc les formes particulières de l’art, les trois formes, « historiquement marquées » que prend le beau.</p><p style="text-align:justify;">Précisons tout de même qu’il ne faut pas entendre « art symbolique », « art classique » et « art romantique » dans leur sens littéraire, autrement dit l’art symbolique n’a rien à voir chez Hegel (c’est normal, Hegel ne connaît pas le symbolisme, il meurt avant que le symbolisme n’apparaisse) avec les œuvres d’un Baudelaire ou d’un Mallarmé ; l’art romantique n’a pas grand-chose à voir avec le romantisme d’un Hugo, d’un Musset ou d’un Lamartine ; et l’art classique n’a rien à voir avec le classicisme. Alors, on pourrait, sauf pour le symbolisme, trouver quelques points d’accroche entre art classique et classicisme et art romantique et romantisme, donc entre la forme de l’art chez Hegel et ces mouvements littéraires, mais ces points d’accroche ne sauraient constituer une identité.</p><p style="text-align:justify;">L’art veut exprimer l’esprit absolu, le divin (Dieu), mais, et c’est là la limite de l’art, et quoiqu’il le fasse de mieux en mieux, en progressant dans les trois formes particulières de l’art, il échoue à l’exprimer parfaitement de manière sensible. L’art symbolique, qui correspond grossièrement aux pyramides d’Égypte, n’a pas encore conscience de lui-même et la forme a du mal à émerger, à se perfectionner et à se séparer du reste ; le contenu et la forme, ainsi que la signification et le signe sont encore une même chose. L’art symbolique doit chercher à rompre cette union entre la signification et le signe ; dans cet art symbolique, il s’agit donc de critiquer le symbole en préférant le signe (abstrait). L’art symbolique cherche à représenter quelque chose de spirituel et d’être plus que de la décoration, mais n’y arrive pas parfaitement. L’art classique, quant à lui, parvient à conférer à la forme l’indépendance de son existence extérieure, elle met en adéquation le contenu spirituel et sa forme sensible, le contenu spirituel apparaît sous forme corporelle adéquatement. L’art progresse donc, il passe d’un contenu indéterminé, inconscient à un contenu déterminé, adéquatement lié à sa forme. La forme et son perfectionnement atteint son apogée. Mais, l’art ne peut contenir tout à fait le contenu spirituel, et c’est dans l’art romantique que le contenu spirituel dépasse véritablement le perfectionnement formel. Pour le dire autrement, la perfection formelle ne suffit pas, le contenu exprimé est intact, il n’est pas affecté par la forme. Avec l’art romantique, nous trans-formons en sentiment les significations premières, celles qui étaient inconscientes dans l’art symbolique. Il faut donc dépasser la seule forme, et ajouter, avec l’art romantique, qui arrive avec l’avènement du christianisme, ce qui nous invite à voir le lien entre art et religion, l’art étant le premier moment où Dieu se révèle, pourquoi comprendre comment il s’est révélé et il se révèle ; c’est donc avec l’art romantique que l’artiste cherche à exprimer au mieux l’intimité, la subjectivité, l’âme, le sentiment, le divin. Ce divin était inconscient dans l’art symbolique, formalisé à l’extrême dans l’art classique, puis dépassant l’art avec l’art romantique.</p><p style="text-align:justify;">Ces trois formes d’art (symbolique, classique, romantique) actualisent et déploient l’idée du beau, ces formes particulières que revêt le beau est ce au travers de quoi l’idée du beau vient à la représentation et à la réalité, c’est-à-dire ce à travers quoi l’idée se détermine particulièrement et obtient son idéalité (Esthétique, t. 1., p. 399). En plus clair, et comme l’écrit Hegel, l’idée du beau n’est une idée que parce qu’elle peut se développer elle-même dans et par sa propre activité. Autrement dit, l’idée du beau se développe dans et par l’activité créatrice artistique (t. 1, p. 400) : « le perfectionnement de l’idée comme contenu apparaît aussi bien comme le perfectionnement de la forme » (p. 400). Je vous présente donc plus précisément ces trois formes, ces trois périodes de l’art.</p><p style="text-align:justify;"><em>a. L’art symbolique</em></p><p style="text-align:justify;">L’art symbolique est donc le premier moment du développement de l’idée du beau, le premier moment du développement de l’idéal, c’est la première forme particulière que prend le beau dans l’art. Dans l’art symbolique, « l’idée cherche sa véritable expression dans l’art, sans la trouver, parce qu’elle est encore abstraite et indéterminée. Elle ne peut se créer une manifestation extérieure conforme à sa véritable essence. Elle se trouve en présence des phénomènes de la nature et des événements de la vie humaine, comme en face d’un monde étranger » (t. 1, pp. 400-401).</p><p style="text-align:justify;">L’art symbolique, c’est celui du symbole ; le symbole est le commencement de l’art, le précurseur (t. 1, p. 403). Traditionnellement, et Hegel n’échappe pas à la règle, on distingue le symbole du signe abstrait ; le signe abstrait, préféré au symbole, c’est la voix quand elle n’est plus là. Le signe, c’est une unité linguistique constituée par l’association d’un son ou d’un graphe (un signifiant) et d’un concept (un signifié) ; le signe compose le mot, un peu comme les chiffres composent les nombres. Le symbole, quant à lui, c’est un signe dit figuratif, une image d’un concept, le