Petitcapybara - Qwice

Nombreuses sont les critiques qu'on peut faire à Descartes. Parmi celles-ci, il y en a qui sont peu intéressantes ; par exemple, on dit de Descartes qu'il est sceptique. C'est vrai, Desc

Petitcapybara - Qwice 2025

Nombreuses sont les critiques qu'on peut faire à Descartes. Parmi celles-ci, il y en a qui sont peu intéressantes ; par exemple, on dit de Descartes qu'il est sceptique. C'est vrai, Descartes est un sceptique ? <h1 style="text-align:center;"><strong>Descartes, un sceptique ?</strong></h1><p style="text-align:justify;">La démarche cartésienne est-elle exempte de tout défaut ? Oui, elle l'est. Question suivante !</p><p style="text-align:justify;">Alors, blague (et mauvaise foi) à part, la démarche cartésienne est loin d'être exempte de défauts. Nombreuses sont les critiques qu'on peut faire à Descartes et à son doute, à sa démarche. Avant même la publication des Méditations Métaphysiques (en 1641 et 1642 en latin), Descartes est fortement critiqué. D'ailleurs, les séries d'<em>Objections</em> aux <em>Méditations</em> publiées avec les <em>Méditations</em> proviennent d'un dialogue qu'entame Descartes avec les savants, philosophes et théologiens tout particulièrement, de son époque : Caterus, Marin Mersenne, Antoine Arnauld, Thomas Hobbes (oui oui, ce Hobbes-là), ou encore Gassendi. Tout au long de sa carrière, Descartes discutera avec de nombreux interlocuteurs sur ses travaux (en physique, en mathématiques, en philosophie) : parmi ses interlocuteurs, on peut noter Huygens, Mersenne, Elisabeth de Bohème, Christine de Suède (l'assassin ! elle a tué Descartes !), le Père Mesland, ou encore Henri More. Et même après sa mort, son œuvre sera discutée : d'abord par ses « disciples » (Spinoza, Malebranche, Leibniz), puis par toute la tradition qui suivra, de Kant à Deleuze. La thèse de Deleuze (publiée sous le titre <em>Différence et répétition</em>) est assez explicitement tournée contre Descartes (cette histoire de Je « fêlé », c'est personne d'autre qui est visé). Et dans cette immense suite de critiques, on a pu en voir certaines assez malheureuses (Deleuze a beau avoir quelques critiques pertinentes, certaines autres tapent tellement à côté qu'on se demande s'il a même lu Descartes ; et ne parlons pas de la fameuse critique de Wittgenstein dans <em>De la certitude</em>). Et s'il y a bien une critique qui manque son but, c’est la critique du scepticisme cartésien. En effet, on essaye souvent d’assimiler Descartes au scepticisme : d’aucuns disent même que c’est un sceptique – sans vraiment préciser ce qu’ils entendent par « sceptique » : le scepticisme de Descartes est-il le même que celui de Hume ? ou le même que celui d’un Académicien ou d’un Pyrrhonien ? On se dit que si on fait de Descartes un sceptique, on peut assez facilement montrer la stérilité de son projet.</p><p style="text-align:justify;">J'aimerais donc explorer cette question : Descartes est-il un sceptique ? Réponse courte : Non, et penser qu'il en est un est une erreur.</p><hr /><p style="text-align:justify;">Si on veut faire de Descartes un sceptique, il va falloir de bons arguments. Il va également falloir préciser ce qu'on entend par sceptique. Et l’usage du doute dans la Première Méditation ne suffit pas à en faire un sceptique : doute-t-il uniquement pour douter ? Le doute chez Descartes, comme artifice, vise-t-il autre chose ou est-ce une fin en soi ? Je pense même qu’en faire un sceptique, c’est une erreur. En effet, quoiqu’il y ait des points communs entre un Sextus Empiricus ou un Carnéade (c'est-à-dire sceptique au sens grec) et Descartes, ces points communs sont très vite dépassés par les différences.</p><p style="text-align:justify;">Le doute est la seule fin poursuivie par le sceptique : le sage est heureux seulement quand il accepte qu’il ne sait rien et qu’il ne peut atteindre la vérité (pardon pour les pyrrhoniens que j’aurais blessés dans ce résumé). La fin du scepticisme, nous dit Sextus (<em>Esquisses pyrrhoniennes,</em> I, 12), c’est non pas la vérité en tant que telle, mais l’ataraxie, à savoir l’absence de trouble dans l’âme : autrement dit le bonheur : « Nous disons donc maintenant, que la fin du philosophe sceptique est l’Ataraxie, ou l’exemption de trouble à l’égard des opinions, et la Métriopathie, ou la modération des passions ou des souffrances dans les perceptions nécessaires et contraintes ». On cherche alors moins la vérité pour elle-même, puisque celle-ci est inaccessible, que la suspension du jugement, ou <em>epochê </em>(ἐποχή). Et c’est en suspendant son jugement, en refusant de tenir une position, rester neutre, refuser d’affirmer ou de nier ou même de vouloir, qu’on arrive, un peu par hasard, à être heureux : le sceptique « suspendit son jugement ; et alors l’Ataraxie ou l’exemption de trouble, fut une suite heureuse, quoique fortuite, de cette suspension de son jugement à l’égard des opinions » (I, 12). Le bonheur par hasard. Notons ici une chose : puisque pour être heureux, il faut refuser d'affirmer, de nier, voire de vouloir, alors, on refuse de penser. Penser, nous dit Descartes, c'est douter, concevoir, affirmer, nier, vouloir, ne pas vouloir, imaginer et sentir (Méditations Métaphysiques, II, A, II, p. 421). On voit bien que pour Descartes, le scepticisme à la Carnéade implique la suspension de toute pensée, et donc le refus d'utiliser une de ses facultés, c'est-à-dire refuser d'être une chose qui pense.</p><p style="text-align:justify;">D'autre part, le projet sceptique, ce n’est pas du tout le projet cartésien : le bonheur n’est pas l’affaire de Descartes. Ce qui importe à Descartes, c’est autre chose. Spinoza, dans <em>Les principes de la philosophie de Descartes</em>, nous l'indique bien :</p><p style="text-align:justify;">« Descartes donc, afin de procéder avec la plus grande prudence dans son investigation des choses, s’est efforcé :</p><p style="text-align:justify;">1 De rejeter tous préjugés ;</p><p style="text-align:justify;">2 De trouver des fondements sur lesquels s’élèverait tout l’édifice ;</p><p style="text-align:justify;">3 De découvrir la cause de l’erreur ;</p><p style="text-align:justify;">4 De connaître toute chose clairement et distinctement.</p><p style="text-align:justify;">Pour pouvoir parvenir au premier, au second et au troisième points il commence par tout révoquer en doute ; non certes à la manière d’un sceptique pour qui le doute est la seule fin poursuivie, mais à l’effet de libérer son esprit de tous préjugés et de trouver par là les fondements fermes et inébranlables des sciences comme il ne pouvait manquer de le faire, s’il en existe. Les vrais principes des sciences en effet doivent être si clairs et certains qu’ils n’aient besoin d’aucune démonstration, qu’ils excluent tout risque de doute, et qu’on ne puisse rien démontrer sans eux. Il en a trouvé de tels après un doute prolongé. Quand il y fut parvenu, il ne lui fut pas difficile de distinguer le vrai du faux, de découvrir la cause de l’erreur, et aussi de prendre garde qu’il ne mît le faux et le douteux à la place du vrai et du certain. » (I, Introduction, pp. 303-304, sur Wikisource).</p><p style="text-align:justify;">Descartes n’est pas un sceptique : son doute ne sert pas à être heureux. Il est nécessaire « une fois en sa vie » (<em>Principes</em>, I, 1) de douter, mais ce doute, loin d’être permanent, ne permet que de trouver quelque chose qui soit certain. Et de là, chercher à critiquer Descartes comme on s’attaquerait aux sceptiques (comme l’a fait Augustin dans son <em>Contre les Académiciens</em>) c’est rater son coup ; c’est manquer son objectif. C’est comme utiliser une passoire pour récolter de l’eau.</p><p style="text-align:justify;">Descartes nous dit Geneviève Rodis-Lewis dans <em>Descartes et le rationalisme,</em> « avait horreur du doute » (PUF, p. 17). En effet, la vérité, c'est l'indubitable. Et quoique Descartes s'inspire en partie des sceptiques (il parle bien des « extravagantes suppositions des sceptiques » dans le Discours de la méthode, IV, en Alquié, I, p. 603). Toutefois, ces deux démarches n'ont pas grand-chose à voir. Cela, Geneviève Rodis-Lewis nous le montre bien : « le doute sceptique se clôt sur lui-même, le doute méthodique débouche sur une certitude » (p. 18). Le doute méthodique de Descartes, c'est réputer comme faux tout ce en quoi je perçois le moindre doute. Rien que là, on voit une grosse différence entre un Sextus Empiricus et Descartes. Chez Sextus, réputer comme faux ce qui est douteux ou incertain, c'est déjà tenir une position : c'est dire « ceci est faux ». Or, le sceptique doit <em>suspendre son jugement</em> et dire « aucune idée » ou « ça m'a l'air plutôt incertain... enfin, pour le moment ». Geneviève Rodis-Lewis propose une image pour comprendre le doute de Descartes : si on veut trouver dans un panier douteux de pommes, celles qui sont bonnes, il faut renverser le panier ; pareillement, si on veut trouver dans un « panier » d'idées celles qui sont vraies, il faut commencer par douter de tout. Plus encore, ajoute Geneviève Rodis-Lewis, « s'il s'était contenté de suspendre son jugement devant le douteux, Descartes n'aurait pas quitté le mol oreiller ou s'

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