Bruno Leralu - Qwice

Voici un texte de Raphaël Glucksmann sur la situation en Syrie. 👇

Bruno Leralu - Qwice 2025

Voici un texte de Raphaël Glucksmann sur la situation en Syrie. 👇 Cette nuit, la prison de Sednaya, cet « abattoir » où périrent des dizaines de milliers d’innocents, ce trou noir de l’humanité est tombée et la tyrannie d’Assad avec elle. Rappelons-le sans relâche puisque tout le monde semble l’oublier: le crime originel des Syriens fut, il y a treize longues années de cendres et de sang, d’avoir voulu vivre libres. Et ils ont payé pour ce « crime » un prix inimaginable. Ce régime barbare, porté à bouts de bras par ses parrains russes et iraniens, a poussé la cruauté jusqu’à la démence. Sa chute ne ramènera pas à la vie les suppliciés et les massacrés, elle n’effacera ni le sang ni les larmes, elle n’assure pas d’un avenir heureux ou stable, mais elle montre que les bourreaux n’ont pas toujours le dernier mot. Oui, nous ne savons pas à quoi ressemblera la Syrie sans Assad et nous avons raison de craindre ce que feront les djihadistes qui ont grandi au sein de la rébellion, mais peut-on se dire humaniste sans être ému par l’ouverture des geôles du régime? Quel genre de démocrate ou d’homme tout simplement faut-il être pour ne pas avoir un mot pour les centaines de fantômes émergeant des Enfers sous nos yeux et regretter la chute d’un tyran pareil au moment même où elle se dessine? Pendant toutes ces années d’horreur, les Syriens ont connu la mort, la torture, le viol, l’exil, la faim, la destruction,... Et ils ont traversé ce calvaire dans une solitude absolue, lâchés par leurs supposés soutiens occidentaux et terrorisés par ceux, bien réels eux, du régime. Ici, dans notre débat public, ils ont été le plus souvent invisibilisés. Leurs aspirations, leurs souffrances, leur existence même ont été niées avec constance et méthode tant par une extrême-droite fascinée par les régimes autoritaires que par une certaine gauche dévoyée qu’un anti-impérialisme de pacotille pousse à épouser la cause des geôliers dès lors qu’ils brandissent l’étendard de l’anti-américanisme. Aujourd’hui, les mêmes forces continuent leur œuvre et nous expliquent sans honte que nous assistons au triomphe d’un complot americano-sioniste, sans jamais entendre ou mentionner ce qu’ont vécu et ce que veulent les Syriens eux-mêmes. Ma seule boussole depuis 2011 fut d’essayer d’être aux côtés des révoltés de Homs, des massacrés d’Alep, des suppliciés de Hama ou de ces cohortes d’exilés ayant tout perdu sauf leur dignité. Aujourd’hui, alors que prend fin le règne d’Assad, c’est à eux que je pense. Le peuple syrien mérite tellement, tellement de connaître cette liberté pour laquelle il a consenti tant de sacrifices. Soyons à ses côtés.