Petitcapybara - Qwice

On sépare souvent l'action de la parole : mais est-ce pertinent ? Le dire ne peut-il pas, parfois, être un faire ? Petit post pour présenter le performatif chez Austin : parler et agir. J'Ã

Petitcapybara - Qwice 2025

On sépare souvent l'action de la parole : mais est-ce pertinent ? Le dire ne peut-il pas, parfois, être un faire ? Petit post pour présenter le performatif chez Austin : parler et agir. J'écris ce petit post pour vous faire patienter le temps que ceux sur l'épistémologie des sciences (sociales) et celui sur Leibniz arrivent. /!\ Attention, à la fin je parle de performativité du genre. Je sais que certains peuvent être frileux concernant ces sujets. <h1><strong>Dire et faire : deux modalités absolument distinctes ?</strong></h1><h2 style="text-align:left;"><strong>I. Introduction et généralités</strong></h2><p style="text-align:justify;">Généralement, on aime à dire que dire et faire, c'est deux agir différents, c'est-à-dire que quand on parle, on n'agit pas, on ne fait aucune action. Omettons, évidemment, l'acte même de parler, celui où on remue nos lèvres, on fait bouger notre langue, la vibration des cordes vocales, etc. Quand on parle, on ne fait rien ! C'est un trope assez répandu. Et en effet, si je dis « Il fait beau aujourd'hui », je ne fais rien sinon une description du temps. Si je dis « Dieu est parfait », je ne fais rien d'autre que de prononcer une phrase prédicative. D'ailleurs, la phrase prédicative, c'est-à-dire celle qui est formé d'un sujet, de la copule et d'un prédicat (<strong>S</strong>ujet / <strong>EST </strong>/ <strong>P</strong>rédicat) ne <em>fait</em> rien, elle décrit au mieux. Le sujet qui dit est un sujet qui n'agit pas ; je parle, mais je ne fais rien. « Des paroles en l'air » dit-on.</p><p style="text-align:justify;">Bref, on oppose souvent, à raison, l'action et la parole. Les dialogues de Platon en sont un assez bon exemple (et la philosophie en général). On papote, on bavarde, on parle, on dialogue, on fait circuler la raison, mais on n'agit pas soi-même. Chez Platon, le début du dialogue interrompt une action (l'<em>Hippias Majeur</em>) ou accompagne une promenade (dans le <em>Phèdre</em>), et se termine parfois par la reprise de l'action du quotidien. Dire, ce n'est donc pas faire. La preuve, je dis des choses, mais je n'ai pas fait grand chose.</p><p style="text-align:justify;">Cependant, dire cela pose un petit problème. Si on oppose si brutalement l'action et la parole, le faire et le dire, on ne rendra pas compte de certaines expressions, de certaines modalités du dire, du langage. Le langage ne se limite certes pas à la logique prédicative ou à la <em>mathesis universalis</em> dont rêvait Descartes, Leibniz, ou encore le premier Wittgenstein. Si c'était le cas, on aurait fini par avoir ce fameux langage parfaitement logique, sans équivoque ou ambiguïté. Ce n'est pas faute d'avoir essayé ! Les philosophes analytiques de la première période (Frege, le Wittgenstein du <em>Tractacus</em>, Russell, entre autres) n'ont cessé de s'y essayer.</p><p style="text-align:justify;">En effet, si les premiers philosophes analytiques ont cherché à structurer un langage parfaitement logique, qui deviendrait le parfait instrument, le médium de toute appréhension du réel, qui serait l'équivalent (ou le remplaçant !) des formes a priori de la sensibilité et des catégories de l'entendement chez Kant. Ces philosophes-là ont tout fait pour analyser le langage du point de vue de la logique. Et pourtant, dès le <em>Cahier bleu</em> et le<em> Cahier brun</em>, puis plus encore avec les <em>Investigations philosophiques</em>, Wittgenstein a bien vu que le logicisme était insuffisant pour décrire certains phénomènes langagiers. Mais je ne m'attarderai pas aujourd'hui sur les jeux de langage wittgensteinniens.</p><h2 style="text-align:justify;"><strong>II. La performativité chez Austin</strong></h2><p style="text-align:justify;">Car, ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est une forme particulière de parole : celle où le dire, c'est le faire. Ou encore, dit autrement, <em>Quand dire, c'est faire</em> ! En 1955, Le linguiste J. L. Austin prononcera une série de conférences à Harvard. Dans cette série de conférence, « How to do things with words », s'intéresse à une forme toute particulière de parole, celle qui produit une action par la seule parole. Publiées, en France, sous le titre de <em>Quand dire, c'est faire</em>, ces conférences cherchent à montrer que certaines expressions nous obligent à repenser cette distinction un peu trop brutale entre l'action et la parole. Ces expressions sont dites <strong>performatives</strong>.</p><p style="text-align:justify;">De l'anglais « to perform », une expression est dite performative quand elle fait plus que de dire quelque chose, quand la parole devient une action. Si je dis « Merci », je fais plus que de dire « merci » ; je remercie, j'effectue par là même l'action de remercier. Si je me marie à la mairie, avec le capybara de mon coeur, le (ou la) maire dira quelque chose du genre : « Je vous déclare unis par les liens du mariage ». Il ne fait pas que de déclarer cela : il agit, puisqu'il unit en <strong>même temps</strong> deux capybaras.</p><p style="text-align:justify;">Chez Austin, c'est cela une phrase performative. C'est une phrase qui, en plus de dire, réalise l'action. Austin distingue donc deux types de discours : le discours constatatif, c'est-à-dire une description des faits, une phrase qui rapporte un fait, et le discours performatif qui est la dimension pratique du langage, qui produit des effets. La phrase « performe ».</p><p style="text-align:justify;">Alors, attention toutefois, la performativité du langage, selon le sens qu'en donne Austin, n'est pas la même chose que la performativité dont parleront d'autres auteurs et autrices. La performativité du langage chez Austin, ce n'est pas la performativité du langage (ou du genre) chez Judith Butler, par exemple. Chez Austin, le concept de performativité cherche à mettre en évidence le fait que certains énoncés, certaines phrases, ne décrivent pas un état du monde, ne décrivent pas des faits. Plus encore, le discours performatif réalise l'acte énoncé mais uniquement si cette phrase est prononcée dans les conditions adéquates. En gros, les exemples que j'ai donnés plus tôt ne sont pas, en tant que tels, des performatifs puisque pour l'être, il aurait fallu que ces exemples eussent été prononcés au moment où. Pour le dire plus clairement, l'exemple du maire qui m'unit avec le capybara que j'aime n'est performatif QUE si un maire me déclare effectivement uni par les liens du mariage. Autre exemple. Si je dis « Je vous promets que je vais finir d'écrire les posts sur l'épistémologie des sciences sociales et sur Leibniz ». Cette phrase sera performative si je le promets réellement.</p><p style="text-align:justify;">Ceci dit, Austin va encore plus loin que ça. Il ajoute que tout acte de discours (ou presque) possède un contenu locutoire, un contenu illocutoire et un contenu perlocutoire. Le contenu locutoire, c'est le contenu qui dit quelque chose, c'est l'énoncé d'un fait, c'est la relation entre un son et un mot, entre syntaxe et un mot, entre les mots et le sens des mots . Si je dis « Le ciel est bleu », je décris effectivement le ciel en disant qu'il est bleu, le sujet « ciel », dans son rapport au prédicat « bleu », je décris quelque chose, je dis quelque chose.</p><p style="text-align:justify;">Le contenu illocutoire, quant à lui, c'est la dimension performative du discours. C'est l'acte effectué en disant quelque chose. Si je dis « Je te remercie », le contenu locutoire, c'est la description du remerciement, c'est le rapport des mots les uns aux autres. Et le contenu illocutoire, c'est le remerciement en tant qu'action.</p><p style="text-align:justify;">Quant au contenu perlocutoire, c'est l'acte provoqué par le fait de dire quelque chose. Si je dis « Un lion s'est échappé du zoo », je décris d'abord le fait qu'un lion s'est, en effet, échappé du zoo (acte locutoire) - c'est un fait. Mais je peux également le dire pour <em>avertir</em>. C'est la dimension illocutoire de cette phrase, c'est l'équivalent de dire, tout affolé « Attention ! Un lion s'est échappé du zoo ! » Et la panique provoquée par cet énoncé, puisque les gens risquent certainement de paniquer, c'est la dimension perlocutoire de l'énoncé. Alors, évidemment, le contenu perlocutoire d'un énoncé n'est pas toujours prévisible. Certainement, la panique provoquée par l'énoncé « Un lion s'est échappé du zoo » (si je suis dans le zoo, ou pas très loin) est plutôt prévisible. Cependant, si quelqu'un se jette sur le lion pour l'empêcher d'avancer, cela risque d'être relativement peu prévisible.</p><p style="text-align:justify;">Pour résumer. Selon Austin, il faut distinguer, d'abord, deux types d'énoncé. L'énoncé constatatif, descriptif, et l'énoncé performatif, celui qui « performe », qui propose une certaine performance, cel

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