Petitcapybara - Qwice

J'ai fini il y a peu de temps L'écriture et l'art de l'Égypte ancienne de Fischer. J'ai bien apprécié le bouquin, et j'ai envie d'en parler un peu.

Petitcapybara - Qwice 2025

J'ai fini il y a peu de temps L'écriture et l'art de l'Égypte ancienne de Fischer. J'ai bien apprécié le bouquin, et j'ai envie d'en parler un peu. <h1>Quelle unité de l'écriture et de l'art égyptiens ?</h1><p style="text-align:justify;">En octobre 1981, Henry George Fischer prononce quatre leçons au Collège de France intitulées « Considérations sur la paléographie et l'épigraphie de l'Égypte ancienne ». Ces quatre leçons, compilées dans <em>L'écriture et l'art de l'Égypte ancienne</em>, interrogent le lien, l'unité, entre l'art et l'écriture chez les anciens Égyptiens. Il s'agit, en un sens, d'une introduction à la civilisation égyptienne ; et on entre dans cette civilisation, non pas par son histoire, comme on le fait très (trop ?) souvent, mais par son écriture et son art.</p><p style="text-align:justify;">La thèse centrale de Fischer, ici, c'est celle de l'identité entre art et hiéroglyphe ; au-delà de son originalité, cette thèse est tout à fait pertinente et rend compte de l'importance des hiéroglyphes et d'une certaine vision de l'art qui est plus qu'un « art symbolique » et archaïque, contrairement à ce que pense Hegel — serait-ce une référence à mon post sur l'art hégélien ? —.</p><p style="text-align:justify;"> </p><p style="text-align:justify;">Fischer analyse diverses œuvres, diverses représentations afin de voir jusqu'où il y a identité entre hiéroglyphe (langage) et représentation (art). Il cherche, par là, à montrer que « l'art égyptien, quoiqu'il ait la réputation d'être immense à crever l'œil, est en vérité tellement nuancé qu'il faut aller à sa rencontre » (p. 23). Il faut chercher à sortir des préjugés qu'on peut avoir sur l'Égypte pharaonique : c'est-à-dire cesser de voir cette civilisation du seul point de vue de l'histoire, cesser également de la voir comme une sorte de civilisation si ésotérique, ou encore d'une civilisation qui aurait été si en avance sur son temps qu'elle aurait inventé l'électricité !</p><p style="text-align:justify;">Pour Fischer, il faut se pencher sur les œuvres, les monuments, les talismans, même les meubles — lesquels sont au centre de la quatrième leçon. Il faut dépasser la simple approche sensible. Et c'est par l'analyse des œuvres qu'on parvient à comprendre que « les égyptiens eux-mêmes regardaient l'artiste comme une sorte de scribe. Et la liaison entre l'écriture et l'art égyptiens [...] est tellement complémentaire qu'il s'agit d'une unité » (p. 24). Il y a donc une unité entre le langage et l'art égyptiens, une unité : mais laquelle ? Et cette unité a-t-elle toujours eu lieu ?</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">« L'unité de l'écriture et de l'art égyptiens est primordiale ; tous les deux sortent de la même genèse, au même moment, qui est le commencement de la première dynastie ; tous les deux étaient complémentaires [...] ou se relayaient. [...] L'art égyptien est tout entier "hiéroglyphique" » (p. 25).</p><p style="text-align:justify;">Il faut donc voir en l'artiste un certain statut de scribe, mais il ne faut pas, en revanche, dire du scribe qu'il est artiste (p. 141). L'artiste, en façonnant des monuments, en écrivant sur les bas-reliefs, etc. agit comme le scribe. On peut voir des jeux sur les mots, sur les symboles et des inversions : en effet, certains hiéroglyphes se voyaient inversés dans leur forme (p. ex. 𓏛 et 𓏜) ; parfois, c'est dans le mot lui-même qu'on voit une certaine inversion. Par exemple, le mot hiéroglyphe (<em>mdw ntr</em>) s'écrit <em>ntr mdw</em> (.𓊹𓌃𓂧𓅱𓀁). En vérité, cette inversion s'explique par le fait que les symboles renvoyant à la divinité (𓊹, <em>ntr</em>) ou à la royauté étaient souvent mis devant les autres symboles, afin de noter la supériorité du dieu ou du roi.</p><p style="text-align:justify;">Autre façon de concevoir cette unité entre art et écriture : la sculpture. D'après Fischer, si les sculptures étaient construites avec la jambe gauche en avant, c'est justement parce que l'être humain, en hiéroglyphe, est représenté ainsi : l'homme voit sa jambe gauche avancée parce qu'il est de profil. Cette jambe gauche avancée trouve donc son origine dans les hiéroglyphes.</p><p style="text-align:justify;">L'écriture a une influence sur les images. Cette idée-là se note également chez Simon Connor, dans son article « Mutiler, tuer, désactiver les images en Égypte pharaonique ». Dans cet article, Simon Connor explique que les Égyptiens prêtaient vie à l'image et que briser une jambe à une statue ou enlever un bras à un portrait servait à retirer une certaine force à l'image. Fischer ajoute que cette mutilation des images étaient presque systématique dans les tombes, afin que le défunt ne soit pas perturbé par la force des images.</p><hr /><p style="text-align:justify;">J'espère que cette petite présentation du livre de Fischer vous a intéressée ; si vous avez des questions, n'hésitez pas.</p>

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