J'ai énormément de mal avec Heidegger. C'est très difficilement lisible (une partie du vocabulaire heideggérien est uniquement en allemand, comme le Dasein), et c'est clairement le genre de philosophie que je lis le moins (désolé, je ne suis pas fan de la métaphysique). Ceci dit, si vous lisez Heidegger (ou vous vous renseignez sur lui) et que vous ne comprenez rien, c'est normal. <p style="text-align:justify;">Un prof que j'ai eu (pour un cours sur la phénoménologie et le langage) disait que Heidegger, c'est le genre de philosophe qui nous fait changer de trottoir quand on le croise. Et c'est vrai : lire Heidegger n'est pas une promenade de santé (autant d'autres philosophes sont accessibles, par exemple Augustin ou Platon, autant lui ne l'est pas).</p><p style="text-align:justify;">Il faut bien voir que la plupart des traductions françaises des bouquins d'Heidegger est insatisfaisante : on est obligé de conserver certains termes allemands (le <em>Dasein </em> qui n'a pas de traduction convenable, sauf peut-être celle de Corbin et de Sartre, traduction qui n'a du sens que si on connaît bien Heidegger), il est même parfois préférables de les lire en allemand. Au-delà de l'expression technique (si ce n'était que la technique qui posait problème, il suffirait d'apprendre ce vocabulaire technique, un peu comme pour Hegel), ce qui pose une véritable difficulté à la lecture d'Heidegger, c'est sa position par rapport à la phénoménologie. Elève de Husserl (le fondateur de la phénoménologie), il s'en détourne assez vite (à la lecture des <em>Recherches logiques</em> et avec les <em>Méditations cartésiennes</em> qui donnent à la phénoménologie une allure de cartésianisme et qui donne un caractère transcendantal à la subjectivité). Heidegger, tout au long de sa carrière, dialogue avec les phénoménologues, sans toutefois en être un lui-même.</p><p style="text-align:justify;">Ainsi, pour bien saisir Heidegger, il faut déjà l'inscrire dans ce cadre, et donc entendre ce qu'est la phénoménologie (et pour ma part, il vaut mieux lire Merleau-Ponty que Husserl pour ça). En ayant en tête cette inscription d'Heidegger dans ce courant philosophique, on comprend comment l'existentialisme et la phénoménologie existentielle ont pu se développer (avec Sartre, de Beauvoir) ou encore comment l'herméneutique (d'un Gadamer ou d'un Ricoeur) a pu se développer à nouveaux frais. - Je peux faire un post sur la phénoménologie au besoin.</p><p style="text-align:justify;">Et une fois cela en tête, il faut ajouter une autre difficulté de lecture : le <em>sujet</em> de Heidegger. Il s'intéresse à la question du sens de l'être, question qui le guidera tout au long de sa carrière philosophique. Cette question est au coeur de son ouvrage maître : <em>Être et Temps</em>. C'est dans ce livre qu'il développe longuement ce qu'est le Dasein, l'être-là. Il renouvelle toute la réflexion métaphysique issue d'Aristote et de Thomas d'Aquin sur ce qu'est l'être (en gros, c'est s'interoger sur ce qu'est être, exister, s'il y a une différence entre l'être et l'existence, et sur la place à donner à l'essence - bref, de la métaphysique classique). Dans cet ouvrage, il essaye de montrer que le sujet, c'est-à-dire celui qui est, n'est pas juste une chose qui est, elle s'investit. Le Dasein est, mais il est-là, il <strong>y</strong> est. Il s'investit dans l'espace et dans le temps (c'est la version très brève et résumée). Dans les années 1930, Heidegger entame un tournant dans sa pensée avec l'<em>Introduction à la métaphysique</em>. On distingue donc bien souvent le premier Heidegger (avant 1930) et le second Heidegger.</p><p style="text-align:justify;">Toutefois, et c'est un gros point noir, Heidegger est un philosophe très controversé : en effet, entre 1933 et 1944, il adhère aux idées nazis et prend même sa carte au parti national-socialiste. C'est, aujourd'hui, une des raisons qui poussent certaines personnes à ne pas lire Heidegger (ou alors uniquement le premier, celui d'<em>Être et Temps</em>).</p><p style="text-align:justify;">Pourtant Heidegger est un philosophie influent. Il a été, par exemple, le maître de Hannah Arendt. Il a influencé énormément de philosophes : de Gunter Anders à Foucault, son influence est telle qu'il est difficile de se passer de celui qui a redécouvert Aristote et qui a permis un renouveau dans la réflexion métaphysique.</p><hr /><p style="text-align:justify;">Alors, je ne connais pas beaucoup de bons ouvrages introductifs (sinon, les pages Wikipedia sur Heidegger et sur la phénoménologie) sauf celui-ci : <em>Heidegger : Introduction à une lecture</em> de Christian Dubois, qui est le seul livre à peu près lisible sur Martin Heidegger. J'ai également fait un post sur la métaphysique (pour ceux qui veulent creuser le sujet) dont la partie trois se consacre uniquement à Heidegger (à partir de l'analyse du jeu) : https://qwice.com/Point/pVW1Zx1dzZdYAw</p><hr /><p style="text-align:justify;">Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à les poser.</p>