Petitcapybara - Qwice

La Saint-Valentin s’approche. Et comme il faut bien quelqu’un pour montrer que l’amour, c’est l’enfer (et non pas les autres, n’en déplaise à Sartre), je vais le faire. L’amour, est-ce

Petitcapybara - Qwice 2025

La Saint-Valentin s’approche. Et comme il faut bien quelqu’un pour montrer que l’amour, c’est l’enfer (et non pas les autres, n’en déplaise à Sartre), je vais le faire. L’amour, est-ce si beau que ça ? Et si on critiquait l’amour ? Démystifions cette horreur qu’est l’amour ! Ce post est sponsorisé par Arthur Schopenhauer (avec des bouts de Sartre dedans). <h1 style="text-align:center;">L’enfer, c’est l’amour</h1><p style="text-align:justify;">L’amour, ou encore le sentiment amoureux, est souvent considéré comme une belle chose. Quoi de plus beau qu’être amoureux ? Quand on aime, on désire l’autre ; l’autre nous manque. Et quand l’autre nous manque, on souffre. Mais la beauté de l’amour vient justement quand il est réciproque : plus de souffrance, il n’y a plus que de la joie. Vraiment ? Pourquoi n’y aurait-il que de la joie ? Si je ne manque plus de l’autre, alors je ne le désire plus. Pourquoi serais-je heureux si je ne désire plus l’autre, ou encore, si je ne le désire plus ?</p><p style="text-align:justify;">Voilà le problème ! Si on a tendance à mettre l’amour sur un piédestal, a-t-on raison de le faire ? Si l’amour est désir, alors n’est-il pas que source d’ennui ou de souffrance ? Et surtout, l’amour est-ce vraiment si beau ? Quand on aime l’autre, qu’aime-t-on réellement ? L’autre ? Ou bien la représentation qu’on se fait de l’autre ? L’autre ou bien la réification de l’autre ? Qu’aime-t-on vraiment chez l’autre ?</p><p style="text-align:justify;">La Saint-Valentin s’approche, et c’est le jour où on célèbre l’amour, les amoureux. Toutefois, y a-t-il vraiment quelque chose à célébrer ? Pourtant, on célèbre. L’amour occupe une place centrale en littérature (combien de poèmes, Aragon a-t-il écrit à Elsa ? Et ce bon vieux Ronsard, n’a-t-il rien écrit ? le <em>Phèdre</em> de Racine, ou encore <em>Roméo et Juliette</em> de Shakespeare, ne sont-ce pas des exemples de tragédie qui traite de l’amour ?). Pis encore, quand on jette un coup d’œil vers le BookTok (les personnes qui parlent de livres sur TikTok), que remarque-t-on sinon une omniprésence de l’amour, une omniprésence de la romance : <em>A Court of Thorns and Roses</em> (Sarah J. Maas), <em>Un automne pour te pardonner</em> (et les trois autres saisons, de Morgane Moncomble), <em>Heartstopper</em> (Alice Oseman), <em>It ends with us</em> (Colleen Hoover), entre autres exemples plutôt connus. Je ne parlerai évidemment pas non plus de la pelletée de romances en webcomic (ou webtoon).</p><p style="text-align:justify;">Pourquoi cet amour de l’amour ? Pourquoi tant d’intérêt pour l’amour ? Pourquoi tant d’attrait dans l’amour ? Et si l’amour, c’était une illusion ? Voilà la question à résoudre. Et si l’amour, c’était simplement un piège tendu à l’homme pour perpétuer l’humanité ?</p><p style="text-align:justify;">Et devinez qui s’est chargé de cette question ? Oui, Schopenhauer !</p><p style="text-align:justify;"><strong>Plan :</strong></p><p style="text-align:justify;">I. L’amour et le problème du désir</p><p style="text-align:justify;">II. L’amour comme appropriation de l’autre</p><p style="text-align:justify;">III. L’amour est un piège tendu à l’homme pour perpétuer l’humanité…</p><hr /><h2 style="text-align:justify;"><strong>I. L’amour et le problème du désir</strong></h2><p style="text-align:justify;">Qu’est-ce que l’amour ? Y a-t-il une réalité derrière ce terme ? S’il n’y a pas de réalité derrière le mot, nul besoin de répondre à la question de sa nature, et nul besoin d’examiner si c’est ou non une illusion, si son rapport avec le désir n’est pas embarrassant à accepter, ou encore ce que signifie aimer quelqu’un.</p><p style="text-align:justify;">Quelle réalité se cache derrière l’amour ? Aucune ? Si on voulait être cynique, on pourrait dire que l’amour, l’Amour avec un grand A, le bel amour, n’existe pas ; on pourrait dire, suivant les moralistes français, qu’il ne s’agit que d’une invention des artistes, une fiction et que nul homme ne l’a jamais expérimenté. Certes, un La Rochefoucauld aura raison de rappeler l’importance de l’amour-propre. Toutefois, l’amour-propre, n’est-ce pas s’aimer soi-même ? n’est-ce pas déjà une forme d’amour ? Il devient donc difficile d’admettre l’inexistence de l’amour, d’un sentiment d’amour.</p><p style="text-align:justify;">Plus encore, si on parle de l’Amour, comme on pourrait parler de la Justice, du Beau, du Vrai, etc., n’est-ce pas parce que cela renvoie à quelque réalité ? Quand je dis que j’aime quelqu’un, ne dis-je pas quelque chose ? Si je dis au capybara de mon cœur « je t’aime », ne lui dis-je pas quelque chose ? Quand je dis que quelqu’un est amoureux de quelqu’un d’autre, ne signifié-je pas quelque chose ? Rappelons-nous Platon. Si je puis identifier diverses manifestations sensibles d’une chose, n’est-ce pas parce que l’idée de cette chose existe ? Si j’arrive à voir diverses manifestations sensibles, phénoménales dirait Kant, de l’amour, n’est-ce pas parce que l’idée même de l’amour existe ? En effet, si les artistes dépeignent l’amour, si les artistes parlent d’amour, n’est-ce pas parce que ça fait écho à quelque chose de réel ? Et si l’amour était un thème de prédilection pour les artistes, notamment en littérature, parce qu’il s’agit d’une chose vraiment importante ?</p><p style="text-align:justify;">L’amour correspond bien à quelque chose, il y a bien une idée de l’amour, une réalité derrière ce terme. Ce n’est pas une invention des artistes. Mais qu’est-ce que l’amour alors ? L’amour est désir.</p><p style="text-align:center;"><strong>A. L’amour comme désir</strong></p><p style="text-align:justify;">Qu’est-ce que l’amour ? C’est le désir. Et le désir, c’est le manque. Alors, je ne tire pas ça de mon chapeau ; c’est ce que disait Platon. Dans le <em>Banquet</em> (très bon texte – lisez-le), Platon interroge ce qu’est l’amour. Le dialogue porte sur l’amour, et Platon définit l’amour comme étant désir, et donc manque. C’est déjà ce que dit le mythe de l’androgyne (189e-193d) qu’Aristophane présente. L’âme-sœur, nous dit le mythe, c’est notre moitié, c’est la partie qui nous <em>manque</em>. Zeus a séparé les androgynes, la partie masculine séparée de la partie féminine. Et on aime parce que cette partie nous manque ; on a besoin de la retrouver.</p><p style="text-align:justify;">Au-delà du mythe, Platon, par la bouche de Socrate, définit l’amour ainsi : « Ce que l’on n’a pas, ce que l’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour. » (200d-e, trad. GF Flammarion de 1998). On aime ce qui nous manque, ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas. L’amour est désir, et le désir est manque. Quand j’aime quelqu’un, c’est que cette personne me manque. L’objet désiré, celui qu’on aime, est l’objet qui n’est pas là, qui n’est pas à moi. L’amour, c’est le désir de ce qu’on n’a pas. C’est d’ailleurs parce qu’on désire une chose qui nous manque que, dans le <em>Gorgias</em>, Socrate soutient qu’il ne faut pas satisfaire tous ses désirs (puisque quelque chose nous manque toujours), ou plutôt que la satisfaction de tous nos désirs ne peut nous rendre heureux. En effet, nous n’aimons plus vraiment ce que nous possédons (c’est pour ça que Socrate mobilise l’image du tonneau percé : une fois un désir satisfait, un autre vient puisqu’on ne désire plus ce qu’on possède). Dans le <em>Banquet</em>, Socrate en vient à cette définition en ayant également recours à un mythe dans lequel il fait la généalogie du dieu Éros. Éros est le fils de la déesse de l’indigence Pénia, et du dieu de la stratégie inventive Poros. L’amour, en suivant cette généalogie, est donc accompagné à la fois de la souffrance (parce que je suis privé de quelque chose) et de l’avidité (je fais tout pour avoir ce que je désire). Quand j’aime quelqu’un, je le désire, c’est-à-dire que cette personne me manque. L’amour, le désir, montre un manque manifeste d’être ; autrement dit quand on aime ou on désire, on peut s’accomplir en tant qu’individu.</p><p style="text-align:justify;">Platon va plus loin encore, dans le <em>Phèdre</em>, en expliquant que l’amour est un lien entre le sensible et l’intelligible, ou encore que l’amour permet d’éveiller l’âme au Vrai et au Bien (par le biais du Beau). Il y distingue deux sortes d’amour : l’amour « vulgaire » et l’amour noble (un peu comme dans le <em>Banquet</em>, on distinguait l’Éros vulgaire et l’Éros noble, voir <em>Banquet</em>, 180a-182a). L’amour vulgaire, c’est l’amour du commun des mortels, l’amour qui n’est pas beau, ne se concentrant que sur les corps ; l’amour noble, quant à lui, est un amour d’hommes libres, c’est l’amour qui vise ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Ce second type d’amour est d’ailleurs inspiré par la divinité (un don d’Ér

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