Chapitre 16 Chapitre 16https://www.youtube.com/watch?v=l3TSNhOcZoU&list=PL8z79euQaq-ljKXqRjapOe7iDrlYUfJVG&index=14Quelques semaines se sont écoulées depuis la demande en mariage et Félicien remarque un drôle de changement dans le comportement de sa domestique. Elle paraît bien plus dissipée durant leurs discussions habituelles et le jeune homme la croise souvent dans le jardin, lors de ses nuits d'insomnie ; sa domestique lui prétexte toujours un sommeil compliqué ou une mauvaise période, mais Félicien a du mal à y croire. Ces problèmes de sommeil ont des répercussions sur son travail, Marianne n'est plus autant concentrée selon les rapports de Raphaël. Ce dernier met ces moments d'étourderie sur le compte du stress par rapport à l'heureux évènement prochain, mais Félicien n'est pas de cet avis. Il la sent beaucoup plus inquiète ces temps-ci, comme si la jeune femme craignait constamment quelque chose.Tous ces éléments finissent par le préoccuper. Est-ce que le sujet du mariage inquiète réellement sa domestique ? Bien que Marianne ait accepté lorsqu'il lui a posé la question la première fois, le jeune homme a préféré laisser passer quelques jours pour s'assurer qu'elle ne change pas d'avis et, jusqu’à présent, cela ne semble pas être le cas. Cependant, Félicien se demande s’il n'aurait pas dû insister davantage en lui posant la question à nouveau, car il appréhende l'idée que sa domestique puisse avoir peur de refuser par crainte d’être licenciée. Même si le jeune homme serait bien plus rassuré à l'idée d'avoir Marianne à ses côtés pour le futur, il ne veut pas de ce genre de relation, cela le mettrait mal à l'aise.Aujourd'hui, à la fin de son repas du midi, le jeune homme souhaite mettre les choses au clair avant d'entamer une quelconque démarche pour le mariage. Dans sa chambre, il attend la venue de Raphaël et cogite sur ce qu'il devra dire à Marianne. Ces réflexions sont interrompues lorsque des grincements se font entendre depuis les escaliers. Trois coups retentissent à la porte, et Félicien donne l'autorisation d'entrer. Raphaël se présente au seuil de la porte avec un sourire radieux, bien plus que d'habitude.— Est-ce que le repas était à votre goût ? demande l'homme, joyeux.— C'était bon, répond Félicien, brièvement. Débarrassez la table et aller demander à Marianne de venir me retrouver à mon bureau.— C'est entendu. Est-ce que vous discuterez de questions sur le mariage ?Son interlocuteur lève les yeux au ciel, ne comprenant pas pour quelles raisons son domestique est encore plus excité à propos du mariage que les deux principaux concernés réunis. Il est bien trop curieux par moments et pose souvent des questions sur la nature de leur relation. Malheureusement, ni Félicien ni Marianne ne peuvent lui raconter une histoire idyllique comme il aimerait l'entendre, et malgré cela, Raphaël paraît toujours aussi enthousiaste. Le maître des lieux répond à sa question sur un ton neutre :— En quelque sorte, oui.— Très bien, souhaiteriez-vous du thé et des biscuits ? — Non, cela ira, nous ne prendrons pas autant de temps.Le regard de Raphaël semble un instant marqué par une pointe de déception, mais ce dernier acquiesce et obtient l'autorisation de se retirer pour aller chercher sa subordonnée. Lorsque le domestique quitte la chambre, Félicien reste encore un moment là et observe le paysage estival à travers la fenêtre. Le ciel est d'un bleu pur, et les hautes herbes brûlent, asséchées, sous les rayons du soleil, sans aucun obstacle à l'horizon. Le jeune homme n'a jamais su profiter d'un joli paysage, car autrefois, cette vue ne lui procurait rien d'autre que de l'anxiété à l'idée que l'hiver approchait déjà. Il ruminait alors, ressassant tous ses problèmes qui grandissaient chaque jour, alors que maintenant, l'idée ne l'a même pas traversé l'esprit.Après avoir fini de regarder par la fenêtre, Félicien quitte sa chambre pour rejoindre le bureau. La pièce n'a pas changé, tous les meubles sont à leur place, mais l'ambiance lui paraît moins anxiogène, certainement depuis le jour où il a trouvé une véritable utilité à cet endroit. Auparavant, il venait ici uniquement pour lire des livres ou des courriers et réfléchir aux mêmes problèmes, sans jamais trouver de solution. Maintenant, le jeune homme essaye d'avancer dans son manuscrit et trouve bien ironique de mettre autant de cœur à l'ouvrage alors qu'il était le premier à n'y voir aucun intérêt. Les feuilles en question sont un peu éparpillées sur la table, et Félicien les remet en bon ordre. L'histoire sera bientôt terminée, même si la fin n'est pas encore définie, il cherche encore une bonne conclusion. Sans avoir le temps d'y réfléchir, deux coups retentissent à la porte et Félicien donne l'autorisation d'entrer, tout en rangeant le manuscrit dans son tiroir.— Bonjour, Mons- Félicien, se reprend Marianne, Raphaël m'a dit que vous aviez besoin de moi.— Bonjour, Marianne. Tout à fait, veuillez vous assoir, j'aimerai que nous discutions de certains détails.Félicien invite alors sa domestique et promise à s'installer sur le divan pour se placer en face d'elle. Cette dernière paraît nerveuse et surtout fatiguée, ce qui inquiète son interlocuteur. Lors d'une de leurs discussions, le jeune homme lui avait demandé de prendre des pauses ou de se reposer quand cela est nécessaire, mais Marianne refusait automatiquement, en expliquant qu'elle avait besoin de travailler sans en dire plus. Même si elle agissait déjà de cette manière à ses débuts, Félicien pensait que cela s'était amélioré avec le temps et qu'elle avait appris à se ménager. Inquiet que cette histoire de mariage puisse être le déclencheur de ce soudain travail excessif, le jeune homme décide de s'en assurer tout de suite :— Écoutez, Marianne, je ne vais pas passer par quatre chemins, j'aimerai d'abord m'assurer que vous ne vous sentez pas forcée d'accepter ma demande en mariage.— Pardon ? s'exclame son interlocutrice, surprise.— Je veux dire, bégaye Félicien, déstabilisé, étant donné que je suis votre maître, vous auriez peut-être la pression que je puisse vous renvoyer si vous refusez ma demande.— Vous n'êtes pas du genre à faire cela, non ? explique Marianne, toujours confuse par cette question. En tout cas, si j'ai accepté, ce n'était pas sous votre contrainte.— Vous en êtes, certaine ?— Oui. Sauf si vous cherchez un moyen de me dissuader ? rit-elle, amusée par cette idée. Je vais vraiment finir par le croire si vous insistez.— Oh. Je vois. J'insiste, car j'aimerai être certain que nous partons sur de bonnes bases. Mais si vous me l'affirmez, alors tant mieux, je me devais de clarifier ce point avec vous.Le jeune homme esquisse un sourire, soulagé à l’idée que Marianne ne se soit pas sentie obligée. Il aurait été bien blessé d’apprendre qu’elle avait accepté sous la pression, plus qu'en recevant un refus honnête. Surprise, sa domestique l’observe attentivement. Ce sourire chaleureux capte son attention, il lui paraît bien plus différent que celui qu'il arborait la nuit, sous la lumière de la lune ; il semble moins bien emprunt de mélancolie. Ses yeux bleu ciel, illuminés par une lueur douce, et son sourire lumineux forment un beau tableau qu’elle ne peut s’empêcher de contempler. Pendant un bref instant, le monde autour d’elle semble s’effacer pour laisser place à cette vision harmonieuse.— Vous avez un joli sourire, Félicien. Vous devriez sourire un peu plus.— Sourire ? s'exclame-t-il, surpris. Je n'ai pas le réflexe de le faire et je ne sais pas vraiment me forcer non plus.— C'est dommage, vous avez le visage doux quand vous souriez.Félicien aurait certainement appris à sourire comme les autres s'il avait pu grandir normalement, mais ça n'avait pas été le cas. Et il n'avait pas vraiment connu d'occasions pour l'apprendre durant toutes ces années. Ou peut-être qu'il s'agit de la fameuse maladie spirituelle qui l'aurait empêché de sourire selon la théorie de Raphaël ; une théorie farfelue à laquelle il ne croit toujours pas. L'être humain a besoin de rationaliser ce qu'il vit, mais parfois, il lui arrive d'élaborer des raisonnements beaucoup trop complexes pour un simple problème. Après cette courte réflexion, le jeune homme revient sur la discussion.— Je ferai un effort, dans ce cas, promet Félicien. Vous devriez également sourire un peu plus, Marianne.— Moi ? Je souris pourtant.— Je préfère le sourire que vous me montriez lorsque je vous apprenais à lire ou lorsque je vous donnais le nom des fleurs que vous trouviez en chemin. Vous sembliez vraiment heureuse, explique le jeune homme.Surprise, Marianne ne peut s'empêcher d'afficher un sourire nerveux, mêlé d'une pointe de tristesse. Cela fait bien longtemps que cette période de convalescence est passée, et elle regrette, malgré elle, que ce soit terminé. Même si elle continue de discuter avec son maître quelques fois par semaine, elle ne peut s'empêcher de sentir un vide en elle ; quelque chose a changé et elle ne sait toujours pas quoi.— C'est étrange, ça fait déjà quelques mois que vous vous êtes rétabli, et pourtant, j'ai l'impression que j'apprenais à lire encore hier.— Oui, heureusement. Cela devait être une période éprouvante pour vous, vos horaires étaient chaotiques à cause de ma b