J'aimerais dire quelque chose sur ce sujet (pas l'hommage à Phillipine, bien que je ne m'y refuse nullement), à propos du militantisme. <p style="text-align:justify;">Beaucoup ne comprennent pas les effets concrets de ce genre d'actes. Que l'on soit d'accord ou non avec le fait de faire une minute de silence ou pas, que l'on trouve ça justifié ou non (perso j'ai du mal à voir en quoi ça serait injustifié mais bref), il faut quand même, quoi qu'il en coûte, respecter le caractère cérémoniel, presque sacré, de cette commémoration. Il faut, au maximum, conserver des espaces et des moments où les citoyens, quels que soient leurs opinions ou idéologies, s'entendent et se retrouvent. Plus on casse ces moments, plus on dégrade ces lieux, plus on polarise la société. La polarisation de la société, c'est la guerre civile en puissance (c'est-à-dire en potentialité). </p><p style="text-align:left;">Vous trouvez ça peut-être exagéré, mais constatez ce qu'il se passe aux USA : la polarisation n'a jamais été aussi forte. Tous les sujets de politique et de société deviennent des tabous, et on en vient vite aux insultes et aux mains. Il n'y a quasi plus aucune entente possible entre chaque camp, l'un et l'autre se haïssent. Et aujourd'hui, une guerre civile aux USA est tout à fait envisageable ; peut-être pas demain au réveil, mais dans les années à venir. Déjà dans l'antiquité (et je renvoie sur ce point au célèbre historien grec Thucydide), la "stasis", la discorde entre citoyen, était à juste titre considéré comme le pire fléau d'une cité. Pire que la famine, la maladie, la tyrannie, l'invasion étrangère, la pauvreté ; car si un peuple est un minimum uni et soudé, il peut faire face à la plupart des dangers. Si le peuple est complètement désuni, il peut imploser à tout moment, et il n'aura dès lors plus rien pour exister, et s'effondrera sur lui-même. Et c'est sans compter toute la violence que ça peut produire.</p><p style="text-align:left;">Ce que j'aimerais dire vaut pour toutes les idéologies, extrêmes ou non d'ailleurs ; le problème est de ne pas vouloir de trêve, de faire de "tout est politique" son slogan et de ne lâcher la grappe à personne. Pour sauvegarder la concorde entre les habitants, il FAUT des trêves, à la fois géographique et temporelle. Ça peut être les fêtes familiales (qui est en accords sur tout avec sa famille ? Que celui qui n'a jamais méprisé les avis politiques de son oncle me jette la première pierre !), les cérémonies et fêtes nationales (14 juillets etc), les lieux de commémoration, les lieux de services publics etc. Le débat est quelque chose de primordial ; et les lieux publics peuvent aussi être des lieux de manifestation, notamment. Mais il faut aussi savoir s'arrêter. Lors d'une minute de silence, il faut savoir s'arrêter.</p><p style="text-align:left;">Plus on fait reculer les éléments d'entente entre citoyens, plus on fait progresser le risque de la guerre civile. À petit feu, doucement mais sûrement. N'avez-vous jamais entendu ces remarques détestables type "Quoi ? Tu parles avec ce gars ? Mais c'est rien qu'un pôv droitard !" ou "Pfff, mais lui c'est rien qu'un gauchiasse d't'façon" ? Elles n'ont rien d'innocent ; c'est le début du rejet d'un citoyen, d'un compatriote, pour de bêtes raisons d'orientation politique et idéologique. C'est faire de celui en face un ennemi intérieur. Alors peut-être que pour vous, ça permet de "dénoncer" des avis ou actes méprisables, mais croyez bien que ça ne fait que renforcer la polarisation déjà à l’œuvre dans la société. Et ça vaut pour tous les camps hein, pas plus la droite que la gauche.</p><p style="text-align:left;">Tout le monde, quand il est question de politique, est convaincu d'agir pour le bien. Dans la vraie vie, personne ne s'est jamais lancé dans la politique pour faire "le mal" ; toutes les personnalités politiques, de France et d'ailleurs, sont absolument certaines d'être du bon côté. Mais il faut, et c'est vital pour un pays, que nous comprenions tous que, dans tous les cas, quelle que soit la direction que prend le pays, quelle que soit l'opinion dominante, quelle que soit l'idéologie que l'on soutient ou que l'on combat, il FAUT être capable de s'entendre avec son adversaire, et de respecter ces "trêves" comme je les ai appelées. C'est pas juste une bête question de "symbole des valeurs républicaines", on est bien au-delà ; il s'agit de prendre conscience du risque mortel de la guerre civile. Car il n'y a rien de pire ; et il n'y aura jamais aucun avantage à tirer d'une guerre civile.</p>