Chapitre 10 🌱 Chapitre 10Sur un escalator descendant, Lumi et Nouki contemplent un paysage qui ressemble Ă un immense centre commercial. Tout autour d'eux, une multitude d'enseignes s'Ă©tendent Ă perte de vue, bien que le duo ne puisse pas les atteindre, pour l'instant, puisqu'ils se contentent de descendre de plus en plus bas. Cependant, Lumi n'y prĂŞte aucune attention et prĂ©fère lever les yeux pour observer vers le plafond et tente d'en percevoir la profondeur, au point qu'elle a l'impression d'entrevoir le nĂ©ant, ne serait-ce qu'une fraction de seconde. La jeune fille baisse brusquement la tĂŞte et se concentre plutĂ´t sur les curieux papillons qui virevoltent autour d'eux.Quant Ă Nouki, il contemple les enseignes et s'aperçoit qu'elles montrent beaucoup d'incohĂ©rences et que la majoritĂ© s'avère mĂŞme vide ; la complexitĂ© du rĂŞve ne dĂ©pendra jamais de la taille de ce dernier, ça se voit facilement avec les nombreux mondes vides qu'ils ont rencontrĂ©s. En tout cas, dans celui-ci, ils ne s'amusent pas beaucoup, la contemplation n'a jamais Ă©tĂ© une chose passionnante dans les rĂŞves craquĂ©s de Lumi. Après un grand bâillement, Nouki se dĂ©cide d'entamer une conversation :— Ça a Ă©tĂ© hier ?— Ouais, on a discutĂ© des jeux vidĂ©o. Ambre va essayer Aspromauro, j'ai pu le convertir ! rĂ©torque sa crĂ©atrice avec beaucoup de fiertĂ©. — Oh je vois. Tu devais pas faire un cosplay de Bianca ? Il me semble qu'il y a une convention bientĂ´t.— Je pense pas que j'irai Ă cette convention, y a aucun youtubeur qui m'intĂ©resse et j'aime pas y aller seule.— T'avais pas dit qu'il y avait une petite chaĂ®ne qui avait Ă©tĂ© invitĂ©e Ă cette convention ? — Ouep, mais il a Ă©tĂ© enlevĂ© Ă la dernière minute. Du coup, j'ai plus de raison d'y aller.— Pourquoi ? Il voulait plus y aller ?— Nope, il s'est retrouvĂ© dans un drama de règlement de comptes. Du coup, la convention l'a enlevĂ©, car mauvaise image et tout ça, tu vois ?Une nouvelle surprenante, le raton laveur n'avait pas entendu ça plus tĂ´t et Dieu sait Ă quel point sa crĂ©atrice aime trouver n'importe quel prĂ©texte juste pour se plaindre. Mais en rĂ©alitĂ©, la noiraude ne porte pas tellement cette convention Ă cĹ“ur, car de toute manière, ce n'est pas la seule dans l'annĂ©e. Au souvenir de ce jour oĂą elle a appris la nouvelle que son youtubeur ne serait pas lĂ , Lumi se balance d'avant en arrière pour exprimer son ennui, tout en Ă©mettant une longue onomatopĂ©e. Pourtant, ce sujet interroge Nouki, il n'a jamais pu rĂ©flĂ©chir sĂ©rieusement Ă cette idĂ©e farfelue que lui a Ă©mise sa crĂ©atrice sur son envie de percer dans le monde, mĂŞme s'il y a des chances qu'elle ait profĂ©rĂ© ce nouveau but, sans rĂ©flĂ©chir, juste pour le contredire. Il ne peut pas s'empĂŞcher de s'inquiĂ©ter sur le fait que Lumi puisse rĂ©ellement envisager cette voie lĂ . L'animal voudrait lui interdire d'essayer quoi que ce soit sur Internet, par crainte d'une aventure catastrophique, mais ce dernier a fait le serment de ne plus lui dicter sa vie, alors il se contente de juste poser des questions, voir s'il ne peut pas Ă©branler ses convictions. — Hey Lumi. Euh... Tu veux toujours bien percer dans le monde, avec tes livres ?— Ui, pourquoi ?— Je pose des questions comme ça, rĂ©pond-t-il innocemment. C'est juste que tu me parles beaucoup de choses qui se passent pas bien sur Internet comme le cyber-harcèlement ou des gens qui demandent Ă d'autres gens d'aller se balader sur les rails de train ou des gens qui demandent Ă d'autres gens d'aller sauter depuis leur fenĂŞtre pour voir s'ils peuvent pas rĂ©ussir Ă voler s'ils battent des bras très forts. Tu vois, des trucs comme ça.— Ui, Internet est très cancer, mĂŞme ultra cancer, mais j'suis sĂ»re que ça se passera mieux si j'suis en anonyme. — Oh j'suis pas sĂ»r que l'anonymat change quoi que ce soit...— Hein ?— Euh, se reprend l'animal, je veux dire que... Je pense que si des gens trouvent que y a pas de problème d'aller dire Ă d'autres gens d'aller voir JohnnyÂą un peu plus vite, je crois que c'est pas une histoire de pseudo ou d'anonymat qui les empĂŞche d'ĂŞtre moins violent. Mais je cale ça comme ça, hein, je sous-entends rien, je n'Ă©mets qu'une supposition. ĂŠtre cĂ©lèbre mondialement veut aussi dire que les gens trouveront toujours un truc Ă te dire, tu vois ?Lumi ne rĂ©pond pas. Elle regarde son interlocuteur avec un regard perplexe et finit par croiser ses bras.— T'imites un gars qui ment très mal ou t'essayes vraiment de me mentir, mais très mal ?L'animal soupire, Ă force d'ĂŞtre toujours très frontal dans ses propos, il a perdu l'habitude d'ĂŞtre subtil. Il vaut mieux oublier l'idĂ©e de passer par quatre chemins et parler de ses craintes avec sa crĂ©atrice.— Excuse-moi. En fait, je suis inquiet de savoir si tu es vraiment vraiment sĂ©rieuse sur cette histoire de cĂ©lĂ©britĂ©. Je sais que tu es très paresseuse sur ce qui t'intĂ©resse pas, mais je sais aussi que tu peux ĂŞtre tout aussi très extrĂŞme quand tu as un objectif qui te quitte pas la tĂŞte. Donc, j'ai peur de te voir lancer lĂ -dedans et que tu rĂ©ussisses des trucs, je ne sais comment, et que tu te retrouves au milieu de plusieurs critiques de gens que tu connais pas, explique-t-il. Tu n'as pas une bonne image des autres, je crains l'idĂ©e que ça puisse ĂŞtre aggravĂ©.— Tu t'inquiètes Ă ce point pour moi ? rĂ©pond Lumi sur un ton amusĂ©.— Bien sĂ»r. Oui je suis protecteur et oui parfois je suis mĂŞme un protecteur très bĂ©bĂŞte, car je ne fais pas les choses de la bonne façon, je le conçois. Mais tout ce que tu me dis d'Internet et le fait que l'anonymat lĂ -bas rend les gens sans filtre, je n'ai vraiment pas envie que tu expĂ©rimentes des choses très dĂ©sagrĂ©ables, car je sais que ça peut te faire beaucoup de mal. Ça m'inquiète rĂ©ellement. J'ai promis que je ne te dicterai plus ce que tu dois faire, mais je te demanderai juste... J'aimerai juste que tu y rĂ©flĂ©chisses encore correctement. Selon mon avis, tu es bien trop jeune pour te jeter lĂ -dedans.Nouki termine de vider son sac, il craint que son interlocutrice ne l'Ă©coute pas et commence Ă faire un caprice, puisqu'elle apprĂ©cie autant se faire contredire que de manger des lĂ©gumes crus. Mais cette dernière ne dit rien, son regard ne laisse rien transparaĂ®tre, ni positif, ni nĂ©gatif. La crĂ©ature trouve ce silence Ă©trange, mĂŞme inhabituel, mais Lumi finit par plisser les lèvres avant de s'esclaffer, faisant retentir Ă©trangement sa voix dans ce lieu immense. La jeune fille essaye d'Ă©courter son fou rire, par peur de se faire Ă©jecter du rĂŞve, mais ne peut pas s'empĂŞcher de repartir de plus belle devant le regard perdu de l'animal.— Oh mon Dieu, c'est tellement chou. J'aurais jamais cru entendre quelque chose d'aussi adorable de ta part.— Tu te fous de moi ou quoi ? rĂ©pond l'animal sur un ton monotone.— Non mais, je me fous pas de toi. Je trouve vraiment mignon le fait que tu m'aies vu dĂ©filer sur un tapis rouge comme une milliardaire. Je pensais vraiment pas que tu croirais en mes capacitĂ©s.— Bon, je vais te jeter dans le vide, en fait.— Nouki est un tsundere ! Nouki est un tsundere !Lumi rĂ©pète cette mĂŞme phrase, descendant vivement des escaliers pendant que son ami, très agacĂ©, le pourchasse pour la faire taire. Ensemble, les deux amis s'enfoncent de plus en plus vers le bas, riant pour l'une et menaçant pour l'autre.***https://youtu.be/sOZxTrrUnhISur le chemin, Ambre regarde les derniers messages, il s'agit de ceux de sa meilleure amie qui lui envoie plusieurs images qui sont censĂ©es ĂŞtre drĂ´les. La blondinette soupire, range son tĂ©lĂ©phone et s'aperçoit avec surprise qu'elle n'est pas la première arrivĂ©e sur le lieu habituel du rendez-vous. Lumi s'y trouve, assise sur le banc, en train de regarder dans le vide, agitant ses jambes frĂ©nĂ©tiquement. Vue de loin, elle semble prĂ©occupĂ©e. La parisienne s'approche et l'interpelle une, deux, trois fois, en parlant un peu plus fort Ă chaque tentative. Sans rĂ©action de sa part, Ambre dĂ©cide de tapoter son Ă©paule pour attirer son attention et sa camarade sursaute, revenant subitement Ă la rĂ©alitĂ©. Cette dernière se rend compte que la blondinette Ă©tait peut-ĂŞtre lĂ depuis un moment et se dĂ©place immĂ©diatement pour lui faire de la place.— Oh la la Amberine, t'es lĂ ? Comment tu vas ? T'as pas attendu trop longtemps ?— Non, non, je viens tout juste d'arriver. Je suis surprise de te voir en avance, admet-elle en s'asseyant Ă ses cĂ´tĂ©s.— Ouais, en fait, j'crois que je rĂ©flĂ©chissais trop fort et du coup, je suis venue plus vite, car je me disais qu'en marchant, mes idĂ©es ils seront un peu plus en place. Mais je crois que je rĂ©flĂ©chis toujours autant fort qu'avant, c'est pas facile de trop penser quand t'as pas l'habitude de trop penser.— Ah bon, quelque chose te prĂ©occupe Lumi ?Son interlocutrice marque un moment de silence, et s'arrĂŞte de bouger. Son sourire disparait un bref instant, comme si elle considĂ©rait sa question, avant de se remettre Ă battre des jambes et reprendre son ton Ă©nergique et maladroit :— Pas tant que ça, j'avais une convention dans quelques jours, mais je crois que je suis assez triste de voir que y aura pas mon youtubeur, du coup j'ai plus de raison d'y aller.— C'est dommage, il s'est dĂ©sistĂ