Rena Stère - Qwice

Chapitre 6

Rena Stère - Qwice 2025

Chapitre 6 <p style="text-align:center;"><strong>Chapitre 6</strong></p><hr /><p style="text-align:justify;">https://youtube.com/shorts/0-RZUxi-Yn8</p><p style="text-align:justify;">À la première seconde où Félicien ouvre les yeux, réveillé de son long rêve ou, la majorité du temps, de ses cauchemars, tous les précédents évènements de sa vie défilent, lui rappelant pour quelle raison il couche dans ce lit inconfortable. Son corps finit écrasé sous un lourd fardeau qui l'empêche de vouloir sortir du lit. Dès à présent, le premier défi de sa journée est de se trouver une bonne raison de se lever. Il fixe le plafond blanc, le même plafond qu'il voit et revoit depuis plus d'un an, même si le ressenti lui donne l'impression de le voir depuis plusieurs années. Alors qu'il ne craint plus les mauvaises nuits à cause de ses cauchemars suffocants, la peur a laissé place à un vide dans son cœur à chaque réveil.</p><p style="text-align:justify;">Des chuchotements l'interrogent sur les raisons de son existence ou de sa raison d'être. A-t-il vraiment une légitimité à être dans ce lit et se permettre de ruminer comme s'il était le centre du monde, alors qu'il aurait pu prouver son utilité en défendant la France durant la Grande Guerre, quitte à en mourir ? Pourtant, même s'il avait eu cette possibilité, Félicien se serait défilé. Ses terreurs nocturnes étaient déjà intenses et il se demandait chaque nuit s'il se réveillerait vivant le lendemain, alors il n'aurait aucune chance de survivre dans un champ de bataille. Un comportement qu'il juge lâche et qui alourdit davantage la culpabilité qui le ronge.</p><p style="text-align:justify;">C'est ironique. Le jeune homme, qui avait contesté la vocation de Raphaël qui se basait sur de la confiance, n'avait pourtant pas le luxe d'avoir un objectif aussi clair pour pouvoir avancer dans sa vie. Torturé par ces pensées, il est tourmenté par plusieurs questions, qui elles-mêmes finissent parasitées par des souvenirs aléatoires et incohérents. Au final, la boule au ventre, Félicien ne sait plus vraiment à quoi il est en train de réfléchir. Aux premiers rayons de soleil, il referme aussitôt les yeux pour essayer d'anesthésier ses émotions, asséné par une fatigue omniprésente. Il n'a pas envie de se réveiller, il ne voit pas pourquoi il devrait le faire. Malheureusement, un bruit dans le couloir retentit, puis trois coups distinctifs toquent à la porte. </p><p style="text-align:justify;">— Bonjour Monsieur, c'est l'heure de la toilette. </p><p style="text-align:justify;">Félicien reste silencieux, rien que l'idée le met déjà de mauvaise humeur. Il déteste la sensation de l'eau sur sa peau, suivie des frissons inévitables. De plus, il se sent anormalement fatigué et aimerait demander à Raphaël de repousser la toilette à demain, mais il sait que ce dernier refuserait et lui rappellerait l'importance de l'hygiène. Avec un soupir résigné, Félicien rassemble toutes ses forces pour s'assoir sur son lit et observe son domestique traîner la bassine depuis l'armoire pour la mettre en place. Il la remplit d'eau chaude, laissant s'échapper de la vapeur d'eau dans l'air frais de la chambre. Puis Raphaël s'affaire à alimenter le poêle, veillant à maintenir une température confortable.</p><p style="text-align:justify;">— Avez-vous bien dormi ? questionne Raphaël avant de prendre les vêtements de la journée pour son maître.</p><p style="text-align:justify;">— Oui.</p><p style="text-align:justify;">— Oh, très bien. </p><p style="text-align:justify;">Le domestique s'affaire à ses tâches du jour et aide Félicien à se déshabiller et à plonger dans la bassine. Ce dernier lui paraît maigre, ça n'a rien d'étrange étant donné qu'il n'est pas une personne bien bâtie, pourtant l'homme s'en inquiète.</p><p style="text-align:justify;">— Vous semblez avoir perdu du poids, Monsieur, fait remarquer Raphaël. Avez-vous bon appétit ?</p><p style="text-align:justify;">— Je mange ce qu'on me donne, explique-t-il, avant de verser de l'eau chaude sur ses épaules.</p><p style="text-align:justify;">Il ne s'agit pas d'un mensonge, Raphaël s'occupe de ses repas et ne remarque rien d'anormal sur ce plan-là. Même si Félicien jetait secrètement la nourriture, il aurait retrouvé des restes dans sa chambre ou dehors, ou encore, Marianne lui en aurait fait part. Alors il ne s'agit que d'un moment très difficile à passer, Raphaël ne peut que compatir à son égard. Ce dernier espère que son maître puisse se remettre d'aplomb avant la fin de l'hiver. </p><p style="text-align:justify;">Avec le savon, Raphaël nettoie le corps du jeune homme et remarque que les mouvements de Félicien sont flasques, comme s'il n'y avait plus aucun muscle qui le maintenait. La séance ne prend qu'un quart d'heure, le jeune homme finit de se sécher et commence à s'habiller sur son lit, tandis que son domestique va se débarrasser de l'eau par la fenêtre et nettoie la bassine. Raphaël revient pour boutonner la chemise de Félicien, mais ce dernier est retourné dans son lit. Le domestique se redresse, en s'essuyant les mains avec le linge présent à son bras. </p><p style="text-align:justify;">— Monsieur, ressentez-vous l'envie de discuter ?</p><p style="text-align:justify;">— Sur quel sujet ?</p><p style="text-align:justify;">— Je sais que la dernière nouvelle par rapport à votre père vous chagrine, alors si vous sentez le besoin de vous confier...</p><p style="text-align:justify;">— C'est inutile, réplique Félicien. De toute manière, ce n'est pas comme si j'ignorais la condition de mon père. Sa démence était déjà difficile à gérer, lors de mon déménagement. </p><p style="text-align:justify;">— Certes, mais parfois, parler permet de sortir certaines choses que nous laissons moisir au plus profond de nous.</p><p style="text-align:justify;">— Ne vous inquiétez pas, je pense juste que je vais me reposer pour cette journée. Je suis juste un peu fatigué.</p><p style="text-align:justify;">À ces mots, Félicien se recouche dans son lit et ramène le drap sur lui, coupant toute discussion avec son interlocuteur. Cela fait quelques jours qu'il sort très peu de sa chambre et Raphaël a bien tenté de lui changer les idées, mais malheureusement, son maître ne veut pas de la main qu'il lui tend. Ce dernier préfère réfléchir seul dans sa chambre et tout ce que peut faire son domestique est de respecter son rythme et être à ses côtés. Il ne sert à rien d'apporter de l'aide à une personne qui n'en demande pas, c'est ce que Raphaël a compris avec les années passées. Attristé, ce dernier acquiesce et le laisse se reposer pour la journée.</p><p style="text-align:justify;">— Monsieur, si vous avez besoin d'une quelconque aide, n'hésitez pas à venir me voir.</p><p style="text-align:justify;">— J'y penserai, répond son interlocuteur, en fermant les yeux.</p><p style="text-align:justify;">Raphaël quitte la pièce et Félicien peut encore l'entendre descendre les escaliers avec le grincement du vieux bois, pour au final, entendre un silence assourdissant. Les chuchotements reprennent avec les mêmes paroles qui l'angoissent ; le jeune homme n'arrive plus à savoir s'il s'agit des pensées ou des vraies voix, ses pensées deviennent engourdies, l'empêchant de réfléchir rationnellement. Épuisé, il ferme les yeux et essaye de reprendre le sommeil, même s'il risque de refaire un mauvais rêve ; il préfère affronter un cauchemar dans ses rêves plutôt que celui de la réalité. Ainsi vont se dérouler ses prochaines journées où il sera rongé par les regrets, encore et encore, avec ces voix qui lui demandent le pourquoi de son existence. Ne serait-ce pas une meilleure résolution s'il n'avait jamais existé ? C'est ce qu'il se demande depuis un moment et la réponse est évidente : il n'aurait jamais dû voir le jour, ça lui aurait permis de ne pas souffrir autant ni lui ni son entourage.</p><p style="text-align:justify;">Comme un enfant perdu, Félicien essaye de trouver la lumière au bout du tunnel. Pourtant, le chemin est sombre, sinueux, désagréable, lui donnant l'impression de tourner en rond. "Si seulement, si seulement..." se répète-t-il, pendant que sa boule au ventre s'accentue. C'est une sensation qu'il déteste, une douleur insupportable qui le renvoie à son enfance, à une période sombre qu'il pensait être révolue. Des larmes montent à ses yeux, pendant qu'il essaye de dormir pour anesthésier toute sa peine et ses douleurs, aussi physiques que psychiques. Parfois, il aimerait même ne plus jamais se réveiller. Coincé dans un monde qui le déteste, il se rend, de jour en jour, inaccessible, empêchant quiconque de pouvoir l'atteindre. Tout lui paraît vain et inutile, maintenant. Au fond, le bruit de l'horloge continue de prendre de plus en

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