« Je pense, donc je suis » – c’est la première citation philosophique que j’ai - Qwice

« Je pense, donc je suis » – c’est la première citation philosophique que j’ai rencontrée dans ma vie : la première également que ma professeure de philosophie en Terminale a présenté

Petitcapybara - Qwice 2025

« Je pense, donc je suis » – c’est la première citation philosophique que j’ai rencontrée dans ma vie : la première également que ma professeure de philosophie en Terminale a présenté. Descartes, on le présente assez souvent à partir du cogito et du doute. Et si je vous parlais du doute dans les Méditations Métaphysiques ? Qu’est-ce que douter ? Peut-on douter de tout ? Faut-il douter de tout ? Le doute dans les Méditations métaphysiquesDans les Méditations Métaphysiques, publiées en latin en 1641, puis 1642, et en français en 1647, le doute, en tant qu’artifice afin de développer une métaphysique, a une place prépondérante. Le doute, et les raisons de douter, occupe d’abord toute la première Méditation. Mais, loin de s’y arrêter, le doute plane sur tout le livre ; et tout au long des Méditations, Descartes tente de voir ce qui y résiste, si tant est quelque chose y résiste. Scolairement, on présente souvent le doute, comme si c’était la chose la plus importante dans la doctrine cartésienne. Le doute est un artifice, mais la démarche, le fait de douter, est nécessaire, nous dit Descartes : « il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut » (Principes de la philosophie, I, 1, in Alquié, III, p. 91). Ainsi, sans dire que le doute est essentiel à la doctrine cartésienne, étant donné qu’il ne faut douter qu’une fois en sa vie, une fois cette étape effectuée, il n’y a plus vraiment besoin de douter à nouveau de tout ; il reste, toutefois, un outil important.Cependant, qu’est-ce que douter pour Descartes ? Pourquoi faut-il le faire « une fois en sa vie » et pourquoi serait-il superflu de douter ad vitam æternam ? En sommes, quel est le statut clair du doute ? Que signifie concrètement « douter » pour Descartes ? En quoi consiste le « doute » cartésien et en quoi se distingue-t-il du doute du sceptique (du doute à la Carnéade, par exemple) ? Et ce doute, est-il absolu ? Ou encore, peut-il être levé ou bien rien n’y résiste ? Pourquoi « je pense, donc je suis » (Discours de la méthode, IV, et Principes de la philosophie, I, 7, Alquié, I, p. 603 et III, pp. 94-95), ou encore la proposition « je suis, j’existe » (Méditations Métaphysiques, II, Alquié, II, p. 415) résiste-t-il au doute ?Descartes essaye de développer ce qu’on pourrait appeler une science nouvelle, une science qui serait solide et assurée, se fondant sur des bases solides ; on essaye de tout refaire depuis les fondements. Cette science prend la forme d’un « arbre » (cf. Lettre-préface aux Principes de la philosophie) : la métaphysique correspond aux racines de la science, la physique au tronc, la mécanique, la morale, la médecine et la physiologie les branches, voire fruits de cet arbre. On perçoit déjà que le doute, puisqu’il s’agit de fonder la science, essaye de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire ce qui est certain de ce qui ne l’est pas, ce qui est fort douteux de ce qu’on perçoit clairement et distinctement. Descartes dit s’inspirer des sceptiques (dans le Discours de la méthode, il écrit que le cogito résiste aux « plus extravagantes suppositions des sceptiques » Alquié, I, p. 603), mais son doute en est bien éloigné.Je me propose donc de vous présenter le doute dans les Méditations Métaphysiques, avec quelques excursus dans le Discours de la méthode (1637) et dans les Principes de la philosophie (1644 en latin, 1647 en français). En quoi consiste-t-il ? Quel est son rôle et son statut ? (I) Est-il définitif ? (II) Peut-on douter de tout ? (III)Plan :Présentation du doute : rôle et statutLevée du doute et le problème du critère de véritéPeut-on douter de tout ?Préambule :Nous noterons DM, le Discours de la méthode, MM, les Méditations Métaphysiques, et P, les Principes de la philosophie.I. Présentation du doute : rôle et statutA. Pourquoi et comment douter ?« Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain » (MM, Alquié, II, p. 404)Dès l’enfance, on nous abreuve d’informations, de connaissances dont on ne peut que douter, puisque, étant enfant, on ne peut jamais véritablement les juger et les critiquer, les vérifier. Dès l’enfance, nous dit Descartes, on nous apprend différentes choses qui, si on les examine, se révèlent au mieux incomplètes. Pour le dire ainsi, on ne peut dire qu’on sait que la Terre est ronde (une sphère avec les pôles aplatis) si on ne l’a jamais démontré ou si on n’est pas capable de le démontrer. Cela, Descartes nous le dit déjà dès l’écriture des Règles pour la direction de l’esprit (qu’on appellera également Regulae) :« Il faut lire les ouvrages des Anciens, parce qu'il est pour nous d'un immense profit de pouvoir tirer parti des efforts d'un si grand nombre de personnes : aussi bien pour connaître ce qu'on a déjà découvert de vrai en ces temps-là, que pour avertir des problèmes qui restent à résoudre dans toutes les disciplines. Il est cependant fort à craindre que peut-être certains germes d'erreurs, contractés par une lecture trop assidue de leurs ouvrages, ne s'accrochent à nous […]. Mais, alors même qu'ils seraient tous francs et sans détour, qu'ils ne nous assèneraient jamais une chose douteuse comme si elle était vraie, et qu'ils exposeraient toutes choses avec une entière bonne foi, nous ne saurions cependant jamais lequel il faudrait croire, puisqu'il n'y a presque rien qui n'ait été dit par l'un, et dont le contraire n'ait été affirmé par quelque autre. Et il ne serait d'aucun profit de compter les voix, pour suivre l'opinion qui a le plus de répondants : car lorsqu'il s'agit d'une question difficile, il est plus vraisemblable qu'il s'en soit trouvé peu, et non beaucoup pour découvrir la vérité à son sujet. Mais quand bien même ils seraient tous d'accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant : car, jamais, par exemple, nous ne deviendrons mathématiciens, même en connaissant par cœur toutes les démonstrations des autres, si notre esprit n'est pas en même temps capable de résoudre n'importe quel problème ; et nous ne deviendrons jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et Aristote, et que nous sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu'on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l'histoire. »Regulae, 3e, Alquié, I, pp. 85-86S’il importe d’étudier les écrits des Anciens (c’est-à-dire des Grecs et des Romains de l’Antiquité), on ne peut les croire sur parole : il faut être capable d’examiner leur propos, interroger ce qui peut poser un problème, et critiquer leurs thèses, surtout ce qui semble incertain, douteux ou fort étonnant.Dès 1627/28, il y a, chez Descartes, une exigence de certitude, et cette certitude doit être acquise ; acquise, mais comment l’acquérir ? Mais bien avant cette exigence de certitude, il y a d’abord ce recul envers le témoignage d’autrui, notamment celui des Anciens savants. Cette position est, pourtant, assez déroutante pour son époque, sachant que les textes aristotéliciens constituent encore le paradigme scientifique. Ainsi, assez tôt, Descartes remarque que la science de son époque est assez douteuse : « il n’y avait aucune doctrine dans le monde qui fût telle qu’on m’avait auparavant fait espérer » (DM, I, Alquié, I, p. 572). La science de son époque est assez incertaine et ne s’appuie pas sur grand-chose. Seules la géométrie et les mathématiques peuvent être estimées, sont dignes d’être étudiées, c’est-à-dire sont certaines. Et il s’étonne même qu’on « n’avait rien bâti dessus [l’arithmétique] de plus relevé » (DM, I, Alquié, I, p. 575). Aussi, il faut trouver un moyen d’atteindre quelque certitude. Peut-on même atteindre quelque chose de certain ? Peut-on fonder une science qui soit certaine, sur des bases solides ?Descartes, pour résoudre ce problème, s’empare d’un doute qui s’étend à toutes choses, l’utilise comme un outil. Il fallait douter de tout ce qui n’était que vraisemblable.« 1. Que pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut.Comme nous avons été enfants avant que d’être hommes et que nous avons jugé tantôt bien et tantôt mal des choses qui se sont présentées à nos sens lorsque nous n’avions pas encore l’usage entier de notre raison, plusieurs jugements ainsi précipités nous empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité, et nous préviennent de telle sorte qu’il n’y a point d’apparence que nous puissions nous en délivrer, si nous n’entreprenons de douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous trouverons le moindre soupçon d’incertitude. » (P, I, 1 ; Alquié, III, p. 91)Il est donc utile de douter de tout. Il faut, en un premier temps, douter de tout. Descartes s’appuie donc sur le doute sceptique, sur les « extravagantes suppositions des sceptiques » (DM, IV, Alquié, I, p. 603), pour voir si dans toutes ses connaissances, dans tout ce qui est en sa créance, il n’y a pas quelque chose qui y résisterait, quelque chose de solide, de ferme et d’assuré, sur lequel fonder sa nouvelle science.Descartes se proposera de douter de tout, absolument ; de tout ce qui n’est pas clairement et distinctement certain. Toutefois, il n

Animation