Deus In Machina - Qwice

J'suis dans le train pour une heure, j'ai l'temps d'écrire un truc mais ça sera sûrement pas pertinent sachant que j'improvise. Mais le sujet est trop intéressant, j'peux p

Deus In Machina - Qwice 2024

J'suis dans le train pour une heure, j'ai l'temps d'écrire un truc mais ça sera sûrement pas pertinent sachant que j'improvise. Mais le sujet est trop intéressant, j'peux pas passer à côté. <p style="text-align:justify;">Quand on demande qu'est-ce qui est de la culture, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est rarement pour la définir d'un point de vue scientifique. La stricte définition de la culture, c'est ce qui se différencie de la nature ; en cela, quasi tout ce qui touche l'humanité de près ou de loin est "culture". Et sachant qu'il existe même, d'après certaines études, des cultures animales, on peut même pas dire avec certitude que c'est strictement propre à l'homme. J'vais donc pas parler du sens anthropologique, c'est pas intéressant et seuls des scientifiques pourraient en discuter avec pertinence. Et j'ai pas envie de faire de recherche.</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">Cet été, un jeune adolescent (très sympathique au demeurant) m'avait contacté sur Discord, car j'y suis souvent, pour me demander si, selon moi, les mangas sont, sur le plan culturel et artistique, comparables ou équivalent à la littérature. Et la question de Thomas me fait penser à ça : quand on demande ce qui est "de la culture", on sous-entends "est-ce de la culture légitime", c'est à dire (je prends le sens de Bourdieu) une culture qui sera jugée digne et respectable aux yeux d'à peu près tous, quelle que soit la classe sociale de celui qui juge.</p><p style="text-align:justify;">Dans ce sens strict, tout n'est pas de la culture légitime, pas du tout. La culture légitime se définit notamment en son caractère académique : la culture légitime est souvent la culture scolaire, ou plutôt celle qui permet de réussir scolairement. Et à l'école, ce n'est pas une citation de GTA ou une référence à One Piece qui va faire briller votre copie ; alors qu'une citation de Malraux ou une référence à un classique de Bergman sera bien plus acceptable et valorisé. Mieux encore : ça montrera que cette culture légitime, vous en maîtrisez les codes, qu'elle ne vous est pas étrangère. </p><p style="text-align:justify;">Une fois qu'on sait à quoi elle correspond, la culture légitime est facile à cadrer : on sait vite ce qui en fait partie. Si une échelle des cultures existait pour classer le caractère "scolairement et académiquement reconnaissable" de celles-ci, ok trouverait tout en haut la littérature ancienne, la philosophie, la musique savante, les beaux-arts, l'histoire, les sciences, cinéma dans une certaine mesure. Tout en bas, on trouverait le reste : culture populaire en tous genres, des particularismes régionaux aux expressions plus moderne de la "pop culture", tout ce qui a trait à la culture de consommation de masse, comme les jeux vidéos, les BD et mangas, les blockbusters et films d'animation, la musique "pop" ou les contre-cultres en tout genre (et j'oublie bien des choses). <span>On pourrait, arrivé à ce stade de la réflexion, répéter ce discours hautement cliché selon lequel "il n'y a au fond pas de différence entre ces formes culturelles, ce n'est qu'une hiérarchie subjective, donc arbitraire, et au fond la culture populaire vaut la culture légitime bourgeoise". Mais ça serait, selon moi, une grosse erreur. Capitale, même.</span></p><p style="text-align:justify;">Le point commun entre la plupart des cultures propres à la culture légitime, c'est qu'elle est une culture bourgeoise. Ou plus précisément, car le mal est plus ancien, une culture aristocratique. Les beaux-arts, la littérature, la philosophie, la musique savante, le théâtre et l'opéra, les sciences et les mathématiques, l'histoire ; ces domaines ont été, pendant des siècles et des siècles, la culture quasi exclusive des aristocrates, autant dire des classes dominantes (ou plutôt régnantes). Il y avait, dans l'ancien régime en France, une distin claire et radicale entre le bas peuple inculte et la noblesse raffinée, qui elle peut se livrer aux loisirs du théâtre et de la littérature, pendant que le peuple trime pour les nourrir. </p><p style="text-align:justify;">Ces aristocrates ont souvent, à toutes les époques, développé un sentiment de supériorité très prononcé envers ceux qui n'étaient pas de leurs rangs (simple naturalisation du fait social, c'est à dire qu'on considère comme acquis et naturels les rapports sociaux). En fait, tout était fait pour que leur culture soit éloignée du commun des mortels. C'est ainsi que naissent les codes sociaux propres à leur classe : il ne s'agit pas tant de se parfaire moralement mais bien de se distinguer en adoptant des manières, mœurs, expression différentes. Et c'est un apprentissage qui se fait depuis tout petit : un enfant né dans la famille des Bourbons au XVII siècle est, du premier au dernier jour de sa vie, un aristocrate, car il sera culturellement conditionné à l'être.</p><p style="text-align:justify;">Certains auront remarqué qu'à ce stade de la réflexion, il n'est déjà plus question de savoir quelle culture est meilleure. En fait, il est juste question d'un fait historique, en Occident et probablement partir autour du monde (mais je ne peux parler avec certitude que de l'Occident) : pendant des millénaires, les classes et ordres dirigeants ont eu le monopole de la culture "légitime". La culture légitime d'aujourd'hui est la culture des royautés d'autrefois, ça n'a pas changé.</p><p style="text-align:justify;">Ce n'est pas un hasard si les écoles, à la III République, étaient tant occupées à faire apprendre l'histoire, la littérature, les sciences aux élèves, dès le plus jeune âge. Il ne s'agit pas de bourrage de crâne ; il s'agit d'effacer au maximum les différences entre classe grâce à la culture. La culture est un outil de distinction entre le pauvre et le riche ; et le travail de l'école, dans une conception très républicaine de la chose, est de donner la meilleure des culture à tout le monde.</p><p style="text-align:justify;">Oui, j'ai bien dit la meilleure des cultures. Car une fois que l'on sait que les science, les beaux-arts, la philosophie et la littérature ont appartenu aux classes dirigeantes, on pourrait être tentés de se dire que c'est subjectif. Sauf que dans la vraie vie, ce sont ces domaines qui ont fait progresser l'humanité. En s'accaparent ces domaines intellectuels, les classes dominantes se sont donné le monopole de ce que l'humanité fait de mieux. Tout le décorum, l'habitus, les manières et codes culturels, eux, sont clairement inventés pour se différencier, et eviter que le premier gueux venu ne soit à leur niveau, c'est certain. Mais ce n'est pas le cas des domaines que j'ai cité. Que serions-nous sans les sciences et la philosophie à notre époque ? </p><p style="text-align:justify;">La culture légitime n'est pas, en soi, un outil de domination ; elle est une richesse gardée par les dominants. C'est une question de salut public que de donner cette culture légitime à tous, et c'est le rôle de l'école, théoriquement du moins car on sait combien elle peine à ce but. De plus, et on l'observe tous, les rapports de domination par la culture s'y rejouent. Combien d'élèves ne s'intéressent aux lettres et à la philo simplement pour briller auprès de leurs professeurs ? On en a tous connus, des comme ça. </p><p style="text-align:justify;">Tant que la culture légitime sera la propriété des plus riches, rien ne changera fondamentalement. Il faut, finalement, légitimer la culture légitime aux yeux de ceux dont on dit que ce n'est pas pour eux. </p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">Et la culture populaire dans tout ça ? Eh bien il y a un problème : ce terme de culture populaire, ou pop culture, inclut aujourd'hui autant les cultures populaires traditionnelles, culturellement et historiquement enracinées dans des peuples, et la culture de masse. Et j'avoue que je n'ai pas beaucoup d'estime pour la culture de masse, en ce qu'elle est un outil de domination supplémentaire. En gros, aux pauvres, aux prolos, on laisse les Marvel, les super-héros, les jeux vidéos, les BD, le rap, le foot et les fast-food. Ça leur suffit bien non ? Ils n'ont pas besoin de Rousseau après tout ! </p><p style="text-align:justify;">Si vous vous sentez visés, y a pas de quoi l'être. J'suis pas riche, j'ai simplement hérité d'un tout petit peu de patrimoine culturel de mes parents, et encore. Ma culture, à l'origine, c'est les vidéos YouTube, les BD, les films grands publics, et beaucoup d'Internet. C'est un peu par hasard que je me suis retrouvé à faire des études de lettres et de philosophie. J'aime sincèrement tout cela, et pourtant je continue à lire des mangas, à jouer à des jeux vidéos et à traîner sur Internet des heures durant. Je n'ai jamais trop renié d'où je venais, car je sais que si je n'étais pas autant allé sur Youtube au collège, je ne regarderais pas autant de films aujourd'hui. Et je pense que sur ce réseau, on est pas très différents du point de vue de l'origine sociale. </p><p style="text-align:justify;">Avec le recul, j'ai laissé de côté beaucoup de choses que j'ai aimé plus jeunes. Pourtant, j'ai encore beaucoup d'estime pour certaines BD, certains jeux vidéos, etc. Même avec toutes mes lectures et tout ce que je sais de la culture légitime, je regarde toujours avec admiration parfo

Animation Animation