Première partie du récit de mon voyage en Égypte, centré sur les deux premiers jours, au Caire : <p style="text-align:justify;"><strong><u>Partie I : Le Caire, nid de pollution</u></strong></p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;"> À vrai dire vrai pays, je sais que je pars pour trouver ce que je connais déjà.</p><p style="text-align:justify;"> Ce n’est évidemment pas moi qui aie organisé ce voyage ; c’est en fait la dernière, l’ultime escapade qui réunit mon entière fratrie et mes parents, pour six billets d’avions au total. Mes parents, ma mère surtout, se sont fait une spécialité des voyages touristiques en famille depuis déjà dix ans, grâce à beaucoup d’économies ; mais ma sœur avait déjà vingt-et-un ans, moi dix-neuf, mon petit frère grandit, et nous prenons chacun nos chemins, et cette habitude touristique ne survivrait pas. Alors, à l’occasion de leur anniversaire de mariage, ma mère a opté pour l’Égypte, sa destination de noces. Tels sont, succinctement, les motifs de notre arrivée, le 26 octobre 2022, de notre arrivée à l’aéroport du Caire. Il ne faut que quatre heures d’avions depuis l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, avion pris à environs 17h ; la nuit était donc déjà tombée quand nous avons débarqué.</p><p style="text-align:justify;"> Je savais d’ailleurs que je mettais les pieds dans une dictature militaire ; je connais, certes très laconiquement, l’histoire récente de l’Égypte, et je sais qui est Abdel Fattah al-Sissi, c’est-à-dire un chef de l’armée qui s’en est servi pour prendre le pouvoir lors des révoltes arabes, élu en 2018 président par le peuple avec une majorité douteuse, à l’image de la Syrie. « Militaire » est un mot clef pour décrire le pays tel qu’il est aujourd’hui : dès la sortie de l’aéroport, les touristes doivent se déplacer en bus jusqu’à leurs hôtels, escortés par des militaires. Ça a par ailleurs beaucoup retardé notre départ vers l’hôtel, à cause d’un retard de la part des militaires. Autrement, c’était la première fois que j’ai visité un pays non « occidental », et musulman qui plus est.</p><p style="text-align:justify;"> Notre voyage a été, autre première dans ma vie, un voyage dit « organisé » ou voyage à forfait, c’est-à-dire géré par une agence du début à la fin, de l’hébergement aux visites. Habituellement, c’est ma mère qui réserve chaque hôtel, loue des voitures, prépare des billets des mois à l’avance pour nos voyages. Mais cette fois-ci, c’était simplement trop complexe ; le tourisme est une telle manne financière dans ce pays rongé par la pauvreté que chaque annonce paraît frauduleuse, et surtout qu’un trajet du Caire jusqu’à Assouan en voiture dans un pays dont on ne connaît rien, et certainement pas la langue, aux services publics et infrastructures défaillantes et militairement tendu n’est simplement pas envisageable à moins d’avoir des contacts personnels. Et nous ne connaissons personne en Égypte, évidemment. Pour ma part, première expérience, donc, de voyage organisé ; et ça sera, je l’assure, la dernière.</p><p style="text-align:justify;"> Arrivée à l’aéroport du Caire, donc ! Il est étonnement moderne, et parfaitement fonctionnel. Au-dehors, le constat est différent ; à peine ai-je posé le pied sur les trottoirs, le temps de monter dans les bus, que je respirasse l’air le plus pollué que jamais je n’ai connu. Jusque-là, jamais je n’ai connu une ville aussi pestilentielle. Il a donc fallu attendre, comme déjà dit, quelques dizaines de minutes assis dans nos bus, non seulement pour attendre l’escorte militaire, mais aussi à cause de problèmes d’assignations à nos hôtels. Personne n’a compris ce qu’il s’est passé, mais il faut simplement retenir que ma famille et moi, ainsi que quelques autres parmi notre groupe, avons été surclassés, c’est-à-dire assigné à un hôtel haut de gamme, pour le prix d’un hôtel standard.</p><p style="text-align:justify;"> Et c’est ainsi que j’ai dormi, pour la première fois de ma vie, dans un établissement de luxe, de la compagnie Hilton, en plein cœur de la capitale. Il a fallu vingt minutes de trajets pour y arriver : vingt minutes à voire défiler derrière les vitres du bus une ville faite d’amalgame d’immeubles, clairsemée de minarets et traversée d’immense autoroutes, certaines à quelques centimètres de fenêtres d’appartements. Les publicités sont partout, à l’allure très occidentale, façade de modernité dans un pays qui connaît de forts retours de la religion. Le brouillard est permanent, et il n’est bien entendu pas du tout naturel ; ce sont les gaz d’échappements des voitures des neufs millions d’habitants, qui n’ont que cela pour se déplacer dans une métropole sans métro.</p><p style="text-align:justify;"> L’hôtel Hilton est, comme je disais, en plein cœur de la ville : par cela, j’entends qu’il est situé à cent mètre du Musée archéologique, au bord du Nil, avec une vue sur la place El-Tahrir, haut-lieu des révoltes de 2013. J’ai pénétré pour la première fois dans un établissement de luxe, et je maintiens depuis que le luxe, c’est pas grand-chose. Les chambres, la nourriture, le service ; rien n’y est fondamentalement exceptionnel, sauf j’imagine si on compare avec la moyenne des hôtels du pays. Pour dire : en dehors de la décoration, rien ne semblait si riche. Les repas sont copieux, mais rien de mémorable ; les chambres sont confortables mais mal isolées, donc plongées dans le brouhaha incessant du trafic. Et en prime, nous avons subi, moi et mon frère, un problème propre aux riches : une des lampes d’agrément dans notre armoire ne s’éteignait pas. Nous avons donc dormi une nuit avec une armoire lumineuse.</p><p style="text-align:justify;"> Nous étions en face du Nil, donc ; parfait pour constater, dès notre réveil le lendemain, le teint marronnasse de son eau. Tous les déchets et eaux usées s’y déversent, et ça se voit. La nuit a duré à peine quatre heures, car en Égypte, si vous voulez ne serait-ce qu’espérer profiter des visites, il faut se lever tôt. Nous nous sommes levés à quatre heures, tel est le destin du touriste en voyage organisé. La première journée fût une longue visite du Caire, dirigée par un guide assigné à notre groupe, qui parlait très bien français. Le matin, nous sommes allés au musée du Caire. En bus. Même s’il se situe à cent mètres, il faut y aller en bus, car le trafic est trop dangereux : il n’y a pas de passage piéton, et la moindre traversée de route est aux risques et périls du piéton, tant elles sont larges et que jamais aucune voiture ne s’arrête.</p><p style="text-align:justify;"> Le musée du Caire, c’est un vieux bâtiment rougeâtre, de style néoclassique anglais, construit au XIX siècle ; il est en lui-même un objet historique, que j’ai connu depuis tout petit en image (il apparaît dans Blake et Mortimer). J’ai eu de la chance de pouvoir le voir, car il sera bientôt remplacé par un musée moderne, non loin des Pyramides ; mais en Égypte, le moindre projet traîne en longueur pour l’éternité, alors le vieux musée est toujours ouvert, et il peine à accueillir les milliers de visiteurs quotidiens. Une heure de queue plus tard, nous avons pu enfin entrer, et un guide nous a fait un résumé de l’histoire de l’Égypte à travers plusieurs salles. On a eu le droit à trente minutes de visite libre, pas une de plus. J’ai au moins pu voir le masque de Toutankhamon, mais aussi des statues de divers pharaon célèbres : Khéops, Akhenaton, Sheshonq, Atchepsout, Thoutmosis. Le Musée est très vaste et bien rempli, et en trente minutes on ne peut rien en voir. Déception, donc, de manquer de temps, mais joie d’être arrivé au bon moment et d’avoir vu avant sa fermeture un musée que j’ai toujours rêvé de visiter.</p><p style="text-align:justify;"> En voyage organisé, le temps est compté ; il a fallu rapidement laisser les pharaons pour que le bus nous emmène au cœur du Caire ; au Souk, puis dans le quartier Copte. Le souk, c’est le quartier « typique et pittoresque », « entre tradition et modernité », dirais-je si je m’étais changé en brochure touristique sans imagination. Le bus nous a déposé juste devant la célèbre université Al-Azhar, centre intellectuel de la branche sunnite de l’Islam. Évidemment, celle-ci est invisitable, mais je suis toujours touché de voir en vrai des lieux si important, que j’ai tant vu en photo ou peintures. Le souk en lui-même est un enchevêtrement de rues marchandes, entre boutiques de souvenirs par milliers et restaurants. On s’y faufile plus qu’on n’y circule, frôlés par les étagères débordantes de bibelots sans valeur, vendus par kilotonnes aux touristes du monde entier, et les chats errants qui ramassent les restes sous les tables.</p><p style="text-align:justify;"> C’est certainement le seul moment où je me suis senti un petit peu voyageur. Le but du voyage organisé est de vous proposer de l’exotisme, mais à doses homéopathiques, toujours contrebalancées par le confort et les services de l’agence. Ici, j’ai pu voir un petit peu de l’Égypte telle qu’elle est véritablement derrière les photos. On passait sous des portiques ouvragés de caravansérails, vieux de plusieurs siècles pour certains. On s’était clairement él