Chapitre 14 https://www.youtube.com/watch?v=-jTI16PWI8Y&list=PL8z79euQaq-ljKXqRjapOe7 - Qwice

Chapitre 14 https://www.youtube.com/watch?v=-jTI16PWI8Y&list=PL8z79euQaq-ljKXqRjapOe7iDrlYUfJVG&index=3 Le mois de mai touche à sa fin et le temps commence à se réchauffer. Pendant leur p

Rena Stère - Qwice 2025

Chapitre 14 https://www.youtube.com/watch?v=-jTI16PWI8Y&list=PL8z79euQaq-ljKXqRjapOe7iDrlYUfJVG&index=3 Le mois de mai touche à sa fin et le temps commence à se réchauffer. Pendant leur pause du midi, Marianne regarde par la fenêtre. Le paysage paraît bien plus doux et la verdure arbore une belle couleur verte. La domestique n'y prête pas beaucoup attention ces temps-ci, triturée qu'elle est par un sentiment de déjà-vu. Elle ne peut pas expliquer pourquoi, mais quelque chose la dérange profondément et elle le ressent sous forme de fourmillement dans ses bras. Alors que la jeune femme est perdue dans ses pensées, son supérieur attire son attention en l'effleurant de sa main, la faisant sursauter, elle n'avait pas remarqué qu'il essayait de l'interpeller depuis un petit moment déjà. — Marianne, quelque chose vous préoccupe ? — Oh, non, j'étais ailleurs, pardon. Vous me disiez quelque chose ? — Non, ne vous inquiétez pas, je me plaignais de la chaleur ambiante et j'étais juste inquiet quand j'ai remarqué que vous ne me répondiez pas. — Pardon, je ne suis plus très concentrée ces temps-ci, admet-elle, la tête baissée. — Ne vous sentez pas coupable pour cela, je peux comprendre que vous soyez un peu plus tête en l'air, ces derniers jours. Il s'en est passé des choses, rassure son supérieur, avant de prendre une gorgée de vin. Raphaël soupçonne que sa subordonnée ressent une forme de solitude après avoir passé tant de temps auprès de Félicien. Il n’est pas dupe : il a bien remarqué que les deux jeunes gens s’entendent étonnamment bien et est rassuré de voir son maître se socialiser un peu. Le domestique devrait trouver un moyen pour qu’ils puissent discuter de nouveau. Mais avec les récents événements, il devient difficile d'avoir un moment pour souffler. D’ailleurs, en pensant à tout cela, Raphaël se rappelle qu’ils attendent aujourd’hui la visite du notaire. — Oh tiens, je crois que c'est aujourd'hui que nous accueillons le notaire, s'exclame l'homme, étonné. — La visite du notaire ? répète Marianne, en se réveillant de ses pensées de nouveau. Ah, c'est la personne qui doit venir pour discuter avec Monsieur ? — Oui, il était convenu qu'il vienne dans la semaine et il me semble bien que c'est aujourd'hui qu'il se présentera, explique son interlocuteur, en posant ses couverts sur son assiette finie. Il faudrait que je pose la question à Monsieur quand j'irai lui amener le thé pour en être certain, je me perds parfois dans les dates. Marianne finit par prendre une bouchée de sa tartine d'œuf, bien que celle-ci ait un peu refroidi pendant qu’elle se laissait happer par ses pensées. Son esprit revient à cette histoire de visite. Elle se souvient en avoir vaguement entendu parler, sans chercher à en savoir davantage, pour l’oublier presque aussitôt. Tout en essuyant sa bouche avec son tablier, elle s'interroge sur la nature de cette visite. — Qu'est-ce qu'un notaire ? Est-ce que c'est par rapport à la mine de monsieur Leroy ? — Non, ce sont deux choses très différentes, la visite du notaire n'est pas en rapport avec la mine, répond Raphaël, avant d'entrer dans les explications. C'est un officiel qui assure l'authenticité des actes et, dans notre cas, il viendra pour discuter avec monsieur Sinclair sur tout ce qui touche à son testament et à son héritage. — Je vois. Qu'est-ce qu'un testament et un héritage ? — Oh, ce serait compliqué de devoir vous l'expliquer comme ça. Mais pour l'héritage, c'est des biens que lègue une personne à sa mort. Et elle précise ce qu'elle donne et à qui elle donne, dans une lettre qu'on appelle le testament. — Ce sont des cadeaux qu'on offre avant la mort, alors ? reformule Marianne, incertaine. — C'est une manière innocente de le décrire, mais on peut effectivement le voir de cette façon. D'ailleurs, légalement, nous pouvons tous avoir un héritage si nous sommes mentionnés dans le testament d'un proche, ajoute son supérieur bien plus en détail. Par exemple, ce manoir et ses biens sont l'héritage que mon père m'a cédé à sa mort. — Pourtant, vous avez déjà cédé ce bien à Monsieur, fait remarquer son interlocutrice, intriguée. — Ce qui est bien vrai, je le lui ai vendu. Cela paraît surprenant, mais je préfère que ce manoir perdure, même si je suis conscient qu'un jour ou l'autre, il finira par être abandonné et tombé dans l'oubli. Quel concept étrange que celui de céder des biens après sa mort. L’idée intrigue Marianne, il semblerait bien plus logique d’offrir ses possessions de son vivant. Cependant, elle comprend vite qu’il n’existe aucune garantie de mourir paisiblement de vieillesse. Il s’agit donc sûrement d’une forme de sécurité, pour prévenir une mort soudaine et malheureuse. Malgré tout, cela reste surprenant. Quels rapports entretient-on avec un objet pour qu’il devienne suffisamment important au point d’être inclus dans un héritage ? Après tout, un objet reste un objet : il pourrait être remplacé du jour au lendemain. Ces questions ne cessent de trotter dans son esprit nébuleux, et, finalement, elle décide d’interroger de nouveau son supérieur à ce sujet. — Raphaël, vous appréciez ce manoir ? — Honnêtement, j'apprécie le manoir pour ce qu'il symbolise. — Qu'est-ce qu'il symbolise ? demande Marianne, perplexe. — On peut le voir comme le symbole du lien que j'ai avec mes prédécesseurs et de moi-même, explique-t-il. — Le lien ? La domestique n'est pas bien sûre d'avoir saisi le sens que Raphaël semble prêter aux liens. Elle ne lui voit aucune attache, aucun fil qui le relierait quelque part. Pourtant, la chose qu'elle comprend, c'est qu'il est important et indispensable dans la vie. Beaucoup de choses y font référence, comme le testament et l'héritage, les collaborations, même le travail fonctionne avec ces liens par rapport à la confiance. Une révélation étrange, puisque Marianne pensait qu'il était tout autant possible de vivre sans et de vivre détachée de tout, mais il semblerait que non. La jeune femme en oublie presque son repas, obnubilée par cette discussion. — Pourquoi les liens avec les personnes sont-ils si importants ? — Vous êtes intéressée par la question ? fait remarquer son supérieur, amusé. — Un petit peu, je n'y ai jamais vraiment réfléchi, mais j'ai l'impression que c'est très important. Raphaël pose son verre de vin sur la table, prenant le temps de bien réfléchir afin de formuler une réponse plus étoffée. Il ne s’attendait pas à ce que les discussions banales autour de ce dîner dérivent sur une question aussi philosophique. Pourtant, il en est rassuré. Jusqu’à présent, ses échanges avec sa subordonnée avaient tendance à être répétitifs et dénués de réel intérêt. Alors c'est une bonne occasion pour qu'ils puissent se connaître bien plus en profondeur. — Hum... C'est une question très vaste que vous me posez. — Ça l'est tant ? — Ce serait comme vous demander d'expliquer ce qu'est le temps. C'est un concept que l'on connaît tous, mais que nous ne pourrions pas expliquer avec des mots simples, explique Raphaël. De plus, je pense que nous n'avons pas la même définition de ce qu'on considère être un lien. — Il peut y avoir plein de définitions différentes ? s'étonne Marianne. — Sur des sujets abstraits ou philosophiques, ce n'est pas rare que les réponses diffèrent ou que les penseurs ne soient pas d'accord entre eux, étant donné que le sujet est assez vaste. Pour ce qui est des liens, je pense ne pas avoir la même définition que celle de Monsieur. — Je ne le savais pas, je pensais qu'il n'existait qu'une seule réponse, tout comme la manière d'écrire les prénoms, dit-elle, surprise. Mais alors, quelle est votre définition des liens ? — Pour ce qui est de mon point de vue, je dirai que les liens sont des connexions entre les personnes et ces connexions font partie de nos raisons de vivre. Avoir un lien avec un autre permet de savoir que nous avons existé et que nous sommes quelqu'un, étaye-t-il, avant d'émettre un petit rire. Je me souviens que Monsieur n'était pas du tout d'accord avec moi lorsque nous en avons parlé et trouvait ma définition très dramatique et exagérée. — Je suis d'accord avec lui, ajoute Marianne, perplexe. Pourquoi il faudrait un lien pour exister ? Cela veut dire que nous mourrons si ce n'est pas le cas ? — Non, voyez l'utilisation du mot "exister" davantage comme une métaphore. Venir au monde et passer son existence seul équivaudrait presque à n'avoir jamais existé puisque personne ne se souviendra de vous, explique Raphaël. C'est pour cette raison que je perpétue ce manoir, pour conserver la mémoire de mes prédécesseurs. À cette explication, le cœur de Marianne se serre, car les souvenirs flous de sa sœur refont surface. Parfois, elle en vient à douter de son existence, se demandant si cette pseudo-sœur n’est pas une création de son imagination pour une raison qui lui échappe. Pourtant, malgré ses doutes, une profonde tristesse l’envahit chaque fois qu’elle repense à elle. Elle en conclut alors que cette lourdeur dans son cœur ne peut pas mentir : cette figure floue dans son esprit a dû exister. Marianne se sent alors inquiète et impuissante. Elle espère retrouver ses souvenirs, pour que cette inconnue ne disparaisse pas dans l’oubli et l’indifférence. Cette pression lui pèse de nouveau, rongée par c

Image
Animation