J'aime les vieilles machines, les vieux objets. Les appareils désuets, obsolètes, parfois brisés, parfois toujours fonctionnels. Il y a énormément d'humanité dans ces appareils. Leur conception, les matériaux, le design, les choix structurels sont autant d'indices sur l'époque qui les a vu naître ainsi que sur les gens de cette époque. Interagir avec eux c'est interagir indirectement avec toute une époque. "Tu ne comprends jamais vraiment une personne tant que tu ne considères pas les choses de son point de vue… tant que tu ne te glisses pas dans sa peau et que tu ne marches pas avec." Et alors, si l'on utilise ses outils, ne s'approche-t-on pas un peu plus de ces humains d'époques parfois lointaines ? On serait surpris de constater combien, malgré les progrès technologiques, rien ne change. Par exemple, j'ai pu constater plus de praticité et d'astuce sur certains aspects d'un appareil photo de la fin du XIXème siècle que sur des réflex courants de notre époque, malgré plus de 120 ans d'Histoire. On peut aussi parler d'ordinateurs. Véritables trésors d'ingénierie, ils renferment une infinité d'interactions possibles, parfaitement préservées du temps par son approche numérique. Mais ils n'ont pas toujours été d'une conception aussi fluide que ces microsystèmes tout-en-un que nous arborons fièrement sur nos bureaux, dans nos poches ou à nos poignets. Non, pendant des décennies les ordinateurs relevaient plutôt de bricolages sophistiqués. Tantôt incroyablement ingénieux, tantôt plus... expérimentaux. Saviez-vous que les premiers ordinateurs pouvaient utiliser un genre d'écran de télévision comme... support de stockage mémoire ? Moi non plus. En fait j'ignorais même qu'on pouvait stocker de l'information de cette façon. (Pour vulgariser, le tube cathodique assurant une relative persistance de l'image, les données étaient affichées dessus sous forme de points pour les 1 et les 0, et lues quelques millisecondes plus tard par un genre de capteur optique... et voilà de la mémoire vive !) Imaginez-vous à quel point les scientifiques de l'époque devaient rivaliser d'imagination pour en arriver à de telles fins ? Mais que coûte que coûte, même avec des bouts de bois et des ficelles, ils parvenaient à concevoir des systèmes qui fonctionnent ! Ces objets témoignent aujourd'hui de l'ingéniosité sans limite de l'esprit humain. Et sont parfois aussi vecteurs d'émotions, comme quand on réalise que la machine, toujours parfaitement opérationnelle, a survécu à toutes celles et ceux qui l'ont conçue... et ce constat n'est pas près de s'arranger. Qui sait, peut-être dans 80 ans vos arrières-petits-enfants trouveront-ils votre téléphone et tentera d'apprendre à vous comprendre, à vous connaître à travers lui ? Je crois qu'il faut respecter ces vieilleries que l'on peut retrouver dans mon décor, pas tant pour ce qu'ils sont mais pour les gens et les vies qu'ils représentent. J'ai par exemple eu l'occasion d'écouter des disques de 1906... qui n'existent plus nulle par ailleurs. Des enregistrements qui n'ont jamais été archivés, oubliés là dans une brocante pour quelques centimes, à côté de cartes pokémon bien plus valorisées. Et pourtant, quand l'aiguille parcourt le disque, la passion de la cantatrice revient à la vie l'instant d'une chanson, bientôt rejointe par la voix de son mari. Des gens dont il m'a été presque impossible de ne serait-ce que retrouver une trace de leur passage sur terre. Il y a de véritables merveilles qui sont là sous nos yeux mais que l'on ne voit plus. Je comprends sans difficulté que c'est une passion très personnelle, mais je tenais à vous partager ces quelques lignes. Il y a sans doute aussi quelque objet qui croisera votre route et ne vous laissera pas insensible, ou peut-être est-ce déjà arrivé ? Auriez-vous une histoire à raconter là-dessus ?