Chapitre 18 <p style="text-align:center;"><strong>Chapitre 18</strong></p><hr /><p style="text-align:justify;">https://www.youtube.com/watch?v=2eM2H7Y3a9g&list=PL8z79euQaq-ljKXqRjapOe7iDrlYUfJVG&index=16</p><p style="text-align:justify;">Au milieu de la nuit, Félicien observe le paysage par la fenêtre de sa chambre. Son mariage aura lieu demain et le jeune homme se demande à quoi pourrait ressembler l'avenir avec Marianne à ses côtés. Ils ne risquent pas d'être comme ses défunts parents, ces derniers s'aimaient fortement malgré leurs différences ; Félicien se rappellera toujours du regard tendre que portait son père à sa mère, comme si elle était la personne la plus précieuse au monde. Il se demandait, petit encore, s'il pouvait porter une attention pareille à une femme dans sa vie. Aujourd'hui, il n'est pas sûr de voir Marianne de cette manière, même s'il lui porte tout de même une certaine affection depuis les mois qu'ils ont dû traverser ensemble. Mais pourtant, même si les deux futurs mariés ne s'aiment pas d'un amour ardent et passionné, ils se respectent et se comprennent mutuellement et, pour Félicien, c'est le plus important.</p><p style="text-align:justify;">Il profite de cette nuit pour penser à ces derniers mois, il s'en est passé des choses, parfois bonnes, parfois mauvaises. Félicien ne pourrait même pas dire si cette année est bonne, à cause du contraste entre ce début calamiteux et ce qu'il vit ces derniers temps. Il est sûr d'une chose, que la venue de Marianne l'a libéré de quelque chose, d'un lourd fardeau qu'il traînait pendant toutes ces années. Cette femme énigmatique, tant par son comportement que par son passé, l'a aidé à sortir d'une situation délicate. Mais aujourd'hui, c'est elle qui semble être en difficulté ; sa situation ne s'arrange toujours pas et le jeune homme espère que le mariage lui permettra d'être beaucoup plus présent à ses côtés. Il songe à l'instruire sur des sujets de culture générale, vus comme la domestique est très curieuse, cela pourrait lui faire penser à autre chose.</p><p style="text-align:justify;">Des grincements dans les escaliers interrompent ses pensées. Qui vient le voir à cette heure ? Cela ne peut pas être Raphaël puisqu'il ne le dérange jamais à une heure aussi tardive, surtout que ce dernier sait qu'il mettrait son maître de mauvaise humeur. Mais lorsque deux coups frappent à la porte, le jeune homme devine, avec surprise, de qui il s'agit. Alors au lieu de donner l'autorisation d'entrer, Félicien va directement ouvrir et tombe nez à nez avec Marianne dans son pyjama un peu trop ample pour elle. Cette dernière se montre surprise de le voir, ne s'attendant certainement pas à ce qu'on lui ouvre aussi vite. A peine croise-t-il le regard de la jeune femme qu'il comprend qu'elle n'a pas fermé l'œil, trop perturbée.</p><p style="text-align:justify;">— Bonsoir, Marianne, y a-t-il un problème ? demande-t-il.</p><p style="text-align:justify;">— Bonsoir, est-ce que ça vous dérange si je reste avec vous, cette nuit ?</p><p style="text-align:justify;">— Il y a un problème dans votre dortoir ?</p><p style="text-align:justify;">— Eh bien, je crois que je n'arrive plus à dormir là-bas.</p><p style="text-align:justify;">Cette dernière se gratte le bras, anxieuse. Si la situation avait été autre, son maître l'aurait renvoyé dans son dortoir ou l'aurait envoyé dormir sur le divan de son bureau, mais c'est la première fois que Marianne lui demande de l'aide. Alors Félicien s'écarte et lui permet d'entrer dans sa chambre ; de toute manière, ils s'uniront demain, ils peuvent bien dormir dans le même lit sans que cela soit répréhensible. Soulagée, la jeune femme rentre dans cette chambre qu'elle a connue pendant quelques mois, autant de jour que de nuit. Rien n'a bougé, tout est bien resté à sa place et cela la rassure d'être de nouveau ici. Son maître referme la porte de la chambre et lui fait signe de se coucher sur son lit, ce qui la surprend :</p><p style="text-align:justify;">— Je peux dormir dans votre lit ?</p><p style="text-align:justify;">— Où pensiez-vous que j'allais vous faire dormir ? Sur le plancher ? questionne son interlocuteur, en arquant un sourcil.</p><p style="text-align:justify;">— Je pensais me reposer sur la chaise et veiller sur vous, comme lorsque vous étiez malade.</p><p style="text-align:justify;">— Je ne suis plus malade, alors il vaudrait mieux que vous dormiez là. Ce n'est pas sur une chaise que vous trouverez le sommeil.</p><p style="text-align:justify;">— Vous êtes sûr ? Est-ce que ça ne pose pas problème que je dorme sur votre lit ?</p><p style="text-align:justify;">— En quoi ça le serait ? C'est bien là que nous dormirions à partir de demain soir, rétorque Félicien, confus.</p><p style="text-align:justify;">Le jeune homme marque un point, Marianne se mariera bientôt et perdra son statut de domestique, donc elle n'aura plus à travailler dans ce manoir. C'est encore difficile à concevoir pour la jeune femme, elle n'y a pas réfléchi beaucoup à cause de ses mauvaises nuits. Alors elle accepte et s'assoit sur le lit, profitant de son confort, bien plus agréable que celui de son propre matelas. Elle ne se couche pas et attend que Félicien le fasse en premier, mais ce dernier saisit une chaise de son bureau pour la tirer près du lit et s'y installe, ce qui perturbe sa domestique.</p><p style="text-align:justify;">— Il y a un problème ? demande Marianne.</p><p style="text-align:justify;">— Un problème ? Non, pas vraiment. Ou vous vous demandez pourquoi je ne dors pas avec vous dans le lit ?</p><p style="text-align:justify;">— Vous ne souhaitez pas dormir avec moi ?</p><p style="text-align:justify;">— Ce n'est pas cela, je n'arrive pas à trouver le sommeil. Je vais juste rester un moment debout avant de me fatiguer. Alors, allez-y, vous pouvez vous coucher sans moi.</p><p style="text-align:justify;">— Je vois. Vous n'allez pas quitter la chambre si jamais je m'endors ? s'inquiète son interlocutrice.</p><p style="text-align:justify;">— Pourquoi agirai-je ainsi ? Ma chambre est ici, je ne risque pas d'aller ailleurs.</p><p style="text-align:justify;">— Veuillez me pardonner, j'ai un peu peur d'être seule, s'excuse-t-elle avec un rire nerveux.</p><p style="text-align:justify;">Même si c'est une étrange inquiétude, Marianne est effrayée à l'idée de dormir seule. C'est l'une des raisons pour laquelle elle ne souhaite plus dormir dans ce dortoir immense et vide ; cela fait bien plusieurs nuits qu'elle refait le même cauchemar terrifiant et ses réveils sont marqués par le battement effréné de son cœur et la sueur froide. Si auparavant elle pouvait le supporter quelques fois, elle vient de franchir la limite où elle n'y parvient plus. Ce comportement singulier n'échappe pas à son maître et ce dernier s'inquiète. Il était déjà surpris de voir sa domestique devant sa porte si tard le soir. Le jeune homme pensait que cette histoire de mariage pouvait angoisser Marianne, mais il semble que le problème soit ailleurs.</p><p style="text-align:justify;">— Est-ce que vous allez bien Marianne ? Je vous sens tendue.</p><p style="text-align:justify;">— Oui, pardon, je suis un peu fatiguée. C'est une mauvaise période, cela finira par passer.</p><p style="text-align:justify;">Toujours cette histoire de mauvaise période. Félicien se sent embêté, est-ce qu'il est vraiment sain de laisser sa future épouse ruminer si longtemps ? Il comprend la raison pour laquelle elle ne souhaite pas en parler, il était dans ce cas également, mais il comprend également la douleur qui est de vivre avec un problème dont on se sent prisonnier. Indécis quant à ce qu'il doit faire, le jeune homme réfléchit et, après un long moment d'hésitation, finit par prendre la parole, sur un ton attristé :</p><p style="text-align:justify;">— Ne vous enfermez pas dans votre monde.</p><p style="text-align:justify;">— Pardon ?</p><p style="text-align:justify;">— Vous vous isolez depuis quelque temps. Raphaël et moi nous inquiétons à votre sujet.</p><p style="text-align:justify;">— Vraiment ? Je réfléchis beaucoup ces temps-ci, je ne pensais pas que j'avais l'air de m'isoler, sourit nerveusement Marianne.</p><p style="text-align:justify;">— Je n'en suis pas certain. Pour être honnête, j'ai eu du mal à savoir comment je devais interagir avec vous lorsque je constatais que vous ruminiez : devais-je vous demander, voire vous forcer à vous confier ou devrais-je vous laisser tranquille ? Par peur d'être maladroit, je vous laissais souvent tranquille.</p><p style="text-align:justify;">— Oh ! Je vous remercie alors.</p><p style="