Premier sujet de dissertation de la série générale : la science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ? Et si on l’analysait un peu, ce sujet ? /!\ Je propose des pistes de réflexion, une analyse (partielle) des sujets : ce n’est pas une dissertation. <h1><strong>La science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ?</strong></h1><p style="text-align:justify;">Sujet peu original, un classique en épistémologie/philosophie des sciences : quel est le rapport entre la science et la vérité ? Nous désirons (atteindre) la vérité, la science peut-elle nous aider dans cette quête ? Comment la science satisfait ce besoin de vérité ?</p><p style="text-align:justify;">Le sujet suppose de fait que nous avons un besoin de vérité. Pour ouvrir le sujet, il peut être intéressant de s’interroger sur la réalité de ce besoin.</p><hr /><h2><strong>I. Caractérisation (définition) des termes du sujet</strong></h2><p style="text-align:justify;">D’abord, prenons un instant pour noter/caractériser les termes clefs du sujet. Au brouillon (et même en introduction), il ne s’agit pas de tout dire sur telle notion, ça n’aurait aucun intérêt. Il s’agit d’essayer de donner des éléments de définition, des définitions simples, pour voir ce qui peut poser problème dans le sujet.</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">Peut-elle (écrit également peut-on). Soit on parle de possibilité physique, matérielle, soit de possibilité morale. En gros, la science, soit elle peut physiquement satisfaire ce besoin de vérité, soit elle est légitime pour satisfaire ce besoin de vérité. Ici, la différence peut être utile ; en effet, que la science puisse physiquement satisfaire tel besoin, en est-elle légitime pour autant ? Par exemple, ne peut-on pas atteindre la vérité par un autre moyen plus pertinent ?</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">La science, la méthode scientifique, c’est le machin par lequel on <strong>produit de la connaissance</strong> ; traditionnellement, la science c’est la connaissance elle-même. Pour ce sujet, et surtout en Terminale, parler de la science « moderne », donc de la production de connaissances, c’est amplement suffisant. La science (ou les sciences) cherche à expliquer <strong>rationnellement</strong> le monde. On dit plutôt les sciences. Elles peuvent être (J.-C. Passeron) expérimentales (physique, chimie, biologie, etc.) ou d’enquête (sociologie, histoire, etc.). Ainsi, on peut produire une connaissance (abstraction, généralisation) soit avec une expérience, comme en physique, afin de déduire les lois générales qui régissent l’univers, soit avec une enquête de terrain (et/ou des analyses statistiques) comme en sociologie. Et les connaissances produites par la science sont-elles vraies ? A priori, oui.</p><p style="text-align:justify;">Mais qu’est-ce qu’on étudie clairement, en science : l’âme, le Beau comme idée ? Non, depuis Kant (<em>Critique de la raison pure</em>), on dit que la science étudie des phénomènes, des choses observables. Par exemple, la chute des corps. <em>A contrario</em>, le Beau comme idée (comme noumène pour prendre le vocabulaire kantien) n’est pas observable.</p><p style="text-align:justify;">Satisfaire. Le Lalande dit que satisfaire, c’est « répondre à certaines demandes ou conditions » (p. 947) ; et quand on parle d’un besoin, c’est combler le vide de ce besoin.</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">Besoin de vérité. On a besoin de quelque chose quand on en manque. Partant, un besoin de vérité, c’est qu’on manque de vérité et qu’on a besoin d’en trouver. Quelle vérité nous manque ? De plus, le besoin de vérité est-ce un besoin naturel, au même titre que le besoin de boire ? Et si on a besoin de vérité, de quel type de vérité avons-nous besoin ? A-t-on besoin de vérités scientifiques ? De vérités morales ?</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;">Ainsi, si on part du principe qu’il existe un besoin de vérité (on manque de vérité), la question de savoir si la science peut nous satisfaire se pose effectivement. En effet, si on a besoin de vérité, et que la science produit des connaissances (vraies), la science arrive-t-elle à combler ce vide ? Autrement dit, quand on est avide de vérité, est-ce par le biais de la science qu’on peut découvrir des vérités ou bien la science est-elle insuffisante pour cela ? Et si la science en a la capacité, est-ce vraiment son rôle que de satisfaire ?</p><p style="text-align:justify;"></p><h2><strong>II. Pistes de réflexion</strong></h2><p style="text-align:justify;"><strong>1. La science satisfait ce besoin vital de vérité</strong></p><p style="text-align:justify;"><strong>a. La science pour comprendre le monde</strong></p><p style="text-align:justify;">La science cherche à produire des connaissances vraies, des lois générales. Par exemple, quand la physique s’intéresse au temps et à l’espace, elle essaye d’en trouver des lois générales pour expliquer le monde tel qu’il fonctionne. Quand Newton écrit ses <em>Principia</em> et explique qu’il existe un temps et un espace absolus et relatifs, expliquant par là le mouvement absolu et le mouvement relatif (les trois lois de Newton : « Tout corps persévère dans l’état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d’état. »), il cherche à établir des lois pour comprendre le phénomène du mouvement.</p><p style="text-align:justify;"><strong>b. Il existe bien un besoin vital de vérité : nécessité physique et nécessité esthétique</strong></p><p style="text-align:justify;"><strong>aa. nécessité physique</strong></p><p style="text-align:justify;">En partant de ce constat-là, on peut se dire qu’effectivement, la science peut (matériellement et même moralement) satisfaire notre besoin de vérité, lequel est un besoin de connaître et comprendre notre monde ; c’est même le rôle de la science que d’expliquer le monde. Dans le <em>Gai savoir</em>, III, §111, « Provenance du logique » (Flammarion, trad. P. Wotling), Nietzsche explique que la science cherche à établir une connaissance logique du monde, et que c’est un besoin vital, afin de survivre dans un monde qu’il faut comprendre.</p><p style="text-align:justify;"><strong>bb. nécessité esthétique</strong></p><p style="text-align:justify;">Plus encore, au-delà de produire des connaissances vraies, la science cherche également à lutter contre des préjugés et des images fausses, en sommes la science explique le monde et cherche à nous déprendre d’images fausses. Et l’homme a ce besoin de se déprendre de ces images Autrement dit, avec la science on parvient à une meilleure connaissance du réel (on l’approche de plus en plus). Bachelard, dans <em>La formation de l’esprit scientifique,</em> nous explique que la science, si elle veut satisfaire notre besoin de vérité, doit aller à contre-courant de l’opinion, c’est-à-dire questionner l’image mentale qu’on se fait des choses. En plus clair, pour Bachelard, il faut s’opposer aux « obstacles épistémologiques », à savoir ces préjugés, ces images qui s’opposent à la recherche scientifique, à la rationalisation du monde.</p><p style="text-align:justify;"><strong>c. Satisfaction totale ?</strong></p><p style="text-align:justify;">Un problème se pose : si la science satisfait pleinement l’homme, comble le vide, ce besoin de vérité, alors je ne recherche plus, je ne teste plus. En effet, comme le disait Schopenhauer, quand je satisfais un besoin, un désir, alors, au lieu de souffrir du manque, je finis par m’ennuyer (cf. <em>Le monde comme volonté et comme représentation</em>, IV, §§56-57) ; ainsi, quand j’ai satisfait mon besoin de vérité, je n’ai plus de manque, je ne souffre plus de ce manque, et partant, je m’ennuie et arrête de chercher. Mais la science peut-elle ou doit-elle s’arrêter ? Atteint-on vraiment le fond des choses ?</p><p style="text-align:justify;"></p><p style="text-align:justify;"><strong>2. La science peut nous satisfaire jusqu’à un certain point.</strong></p><p style="text-align:justify;">Dire que la science peut satisfaire (complètement) l’homme pose quelques difficultés. En effet, ce serait dire que la science a une fin, qu’on peut atteindre une vérité tout à fait incontestable et qui deviendrait le paradigme final de la science.</p><p style="text-align:justify;">Néanmoins, pour assurer la véracité des lois, des connaissances produites, les scientifiques essayent de « falsifier » la thèse. C’est Karl Popper, dans <em>La logique de la découverte scientifique</em>, qui explique que le travail du scientifique est de tout faire pour démontrer que la théorie/l’hypothèse est