Même si le texte venait à être voté mardi à l'Assemblée Nationale sur le dégel du corps électoral, j'espère que cela ne va pas semer la zizanie dans le pays. Quoiqu'il en soit, au vu des manifestations qui s'annoncent, ce sera tendu ici demain. Par ailleurs, je vais profiter de cette publication pour donner quelques éléments de contexte qui devraient permettre à certaines personnes de mieux comprendre ce qui se passe actuellement. <p style="text-align:left;"><strong>Introduction : Les Accords de Nouméa</strong></p><p style="text-align:left;">Je l'avais précisé dans une publication passée, mais je vais le redire ici : La Nouvelle-Calédonie est placée actuellement sous le statut prévu par les accords de Nouméa signés en 1998 entre Lionel Jospin (représentant l'Etat Français), Jacques Lafleur (représentant les partis loyalistes de Nouvelle-Calédonie) et Roch Wamytan (représentant les partis indépendantistes de Nouvelle-Calédonie).</p><p style="text-align:left;">Ces accords ont octroyé à la Nouvelle-Calédonie une autonomie de fonctionnement au sein de la France. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie vote ses propres lois applicables uniquement sur son territoire et gère un certain nombre de compétences que l'Etat lui a progressivement transférées. Seulement voilà, il était aussi prévu qu'un référendum sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie se tienne en 2018.</p><p style="text-align:left;">Le premier référendum aboutira sur un "Non" (voté à environ 56 % des suffrages). Comme prévu par le texte des accords, les partis indépendantistes demandent un deuxième référendum qui sera organisé en 2020... référendum aboutissant encore sur un "Non" (voté à environ 53 % des suffrages). </p><p style="text-align:left;">Arrive alors le troisième référendum en 2021 qui va être boycotté par les indépendantistes. En effet, les indépendantistes estiment ne plus être écoutés par l'Etat quand ce dernier refuse d'organiser le référendum vers mi-2022 et aussi quand ils demandent un report du scrutin <span>au motif de la pandémie de COVID-19 et du besoin d’une période de deuil prolongé chez les familles kanakes, report refusé par l'Etat. Sans surprise, le "Non" l'emporte... mais très largement cette fois-ci avec près de 97 % des suffrages. </span></p><p style="text-align:justify;"><span>Concrètement, cela implique qu’il faut décider d’un nouveau statut institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie... Et entre autres choses, il a été notifié qu'il serait impossible de conserver le même corps électoral que celui qu'on connaît actuellement.</span></p><p style="text-align:justify;"><strong>Corps électoral ? Késaco ?</strong></p><p style="text-align:justify;">Concrètement, si vous êtes Français et que vous venez vous installer en Nouvelle-Calédonie, vous pourrez voter aux élections présidentielles, législatives, européennes et municipales. </p><p style="text-align:justify;">Il y a aussi des élections provinciales pour désigner les élus des assemblées de provinces (équivalent des "régionales" en France), élections qui permettent aussi de définir la composition du Congrès (assemblée qui vote les lois spécifiques à la Nouvelle-Calédonie). Or, à ces élections, si vous n'étiez pas installé en Nouvelle-Calédonie depuis 1994, il vous sera impossible de voter.</p><p style="text-align:justify;">Du reste, concernant les référendums visant à statuer sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, il était impossible de voter également pour toute personne arrivée après 1994 en Nouvelle-Calédonie. En l'occurrence, comme moi et mes parents sommes arrivés en 1998 en Nouvelle-Calédonie, il nous est impossible de voter aux élections provinciales et ce fut pareil lors des 3 référendums sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.</p><p style="text-align:justify;">Or, là, avec les 3 référendums aboutissant à un "Non", le corps électoral prévu par les accords de Nouméa n'est plus valable et comme des élections provinciales doivent normalement avoir lieu cette année (c'est tous les 5 ans en principe et la dernière a eu lieu en 2019), un dégel du corps électoral est donc requis, ce qui nécessite de changer la Constitution puisqu'une loi constitutionnelle a été adoptée concernant la Nouvelle-Calédonie en 1999 au vu de son statut particulier au sein de la France.</p><p style="text-align:justify;"><strong>Pourquoi c'est tendu ici en ce moment ?</strong></p><p style="text-align:justify;">Ce qui a été convenu, en principe, c'est que les citoyens français vivant en Nouvelle-Calédonie depuis 10 ans ou plus puissent voter aux élections provinciales. Sauf que ça, les indépendantistes ne veulent pas en entendre parler et demandent à ce que ce projet de modification du corps électoral soit abandonné. Si l'UC (Union Calédonienne), principal parti indépendantiste, a affiché son désaccord d'entrée de jeu, l'UNI (Union Nationale pour l'Indépendance) était allée à la table des négociations avec l'Etat et les loyalistes... mais soutient désormais l'UC. </p><p style="text-align:justify;">Les loyalistes, de leur côté, estiment avoir déjà fait une grosse concession avec les 10 ans de vie en Nouvelle-Calédonie pour obtenir le droit de vote aux provinciales (à la base, ils voulaient que ce soit 5 ans de présence) et ne souhaitent pas que la réforme soit retirée.</p><p style="text-align:justify;">Alors que, lundi, le texte doit être examiné à l'Assemblée Nationale pour un passage au vote mardi (sachant qu'il a déjà été voté au Sénat), une nouvelle mobilisation de la part des indépendantistes est à prévoir sachant que cela fait depuis samedi de la semaine dernière que les manifestations (et même barrages filtrants, voire blocages) se multiplient. Cela reste, au passage, relativement pacifique pour l'instant... mais tout de même, voir des feux de paille sur des ilôts centraux au milieu de la route ou bien des gros morceaux de bois sur des ilôts centraux avec certains endroits ayant pris la couleur de la cendre en bord de route par endroits, ça ne rassure pas beaucoup. </p><p style="text-align:justify;">Pour ma part, j'espère juste une chose : que ça ne va pas déborder et virer à des blocages stricts de la population, voire à des émeutes si le texte devait passer. </p>